Les Emotifs anonymes est le nom de l’association, fondée selon le même principe que les Alcooliques anonymes, où se retrouvent pour parler ceux dont l’émotivité est telle qu’elle les empêche de vivre normalement.
Angélique, pimpante et jolie jeune femme fréquente ce groupe de parole et déploie d’immenses efforts pour dépasser sa timidité, comme se chanter des chansons dans la rue pour s’encourager, ou répéter ce qu’elle va devoir dire, seule dans le reflet de la vitre.
Jean-René souffre du même syndrome et tient lui aussi à s’en sortir, en consultant un psy et en essayant de mettre en pratique les petits exercices qu’il lui prescrit. Exemple : toucher quelqu’un physiquement.
Comme Angélique, chocolatière virtuose – que la peur de la lumière a jusqu’alors poussée à exercer son talent dans l’ombre – se trouve du jour au lendemain sans travail, et que d’un autre côté Jean-René est le patron d’une chocolaterie en mal d’inspiration et de clients, nos deux grands émotifs vont finir par se rencontrer.
Pire, ils vont même se plaire.
Mais comment deux êtres pareils peuvent-ils jouer les jeux de l’amour, lui transpirant à grande eau et s’éclipsant toutes les cinq minutes pour changer de chemise, elle obligée de préparer des sujets de conversation par crainte de voir le silence écraser la soirée ?
Et quand on a reconnu en l’autre son semblable, comment oser former couple à ses côtés, avec la peur d’additionner et de cumuler cette sensibilité handicapante ?
Les Emotifs anonymes est une comédie légère et romantique, très agréable, amusante, touchante. Les deux comédiens y ont leur large part dans sa réussite ; Isabelle Carré déborde de charme et de grâce dans le rôle de celle qui n’a pas confiance en elle mais très volontaire pour y aller malgré tout. Benoît Poelvoorde porte la timidité, ses blocages et les déblocages brusques qui les suivent avec beaucoup de classe.
Les décors et les costumes vieillots donnent à l’histoire un aspect intemporel aussi délicieux que les douceurs au chocolat créées par Angélique. Car il y a beaucoup de sensualité dans ce film, avec ces désirs trop longtemps canalisés ou freinés qui enfin s’expriment et se réalisent. Il y a aussi beaucoup d’humanité : le regard sur la différence est magnifique, respectueux. Cela paraît peu de choses, mais c’est bien loin d’être rien.
Les Emotifs anonymes
Une comédie de Jean-Pierre Améris
Avec Isabelle Carré, Benoît Poelvoorde
Durée : 1 h 20
Sortie en salle : 22 décembre 2010
Photo © StudioCanal