Cécile de La Folie. Marc Chadourne.

L’auteur n’insiste pas beaucoup sur ce qui apparaît pourtant comme le thème majeur de ce roman oublié, prix Fémina en 1930 : les conséquences traumatisantes de la guerre, qui agissent en sourdine sur l’individu qui a subit cinq ans de combats, entre 1914 et 1919. Marc Chadourne lui-même a connu pareil destin, et sa biographie dit qu’il a mené « une vie errante » après cette guerre. Il est entré au Ministère des colonies, et a terminé sa carrière comme professeur aux Etats-Unis. Traducteur de Joseph Conrad, il a produit 17 livres, couronnés par le grand prix de l’Académie Française en 1950.

Le roman conte l’histoire d’amour entre François Mesnace et Cécile de La Folie. Ils se sont fréquentés jeunes et avant de partir au front il lui demande une relation davantage charnelle, qu’elle refuse. On ne sait rien de ce qu’il vit pendant ces années, mais il n’est plus le même homme à son retour. Ainsi, à la fête du 14 juillet 1919 : « Qu’avaient-elles apporté ces cinq années ? Elles s’achevaient en fumées, rumeurs et pétarades. Une liesse funèbre célébrait le retour dans la fourmilière. Que valait de revenir se perdre, insignifiante unité, dans cette masse d’êtres tous assujettis au destin de se suivre, de se presser, de s’imiter, de se recommencer ? » Et aussi : « L’idée de mort, née de l’expérience de la guerre, le hantait de nouveau, obstinée à le convaincre que tout effort allait au néant ».

De retour chez Cécile, même interrogation : « Qu’est-il revenu faire ici ? Etre là ou ailleurs aujourd’hui. Oui, mais pourquoi en lui cette dolence, cette envie de prendre sa tête dans ses mains, de s’abandonner à des rêves ? ». Cécile n’a pas changé dans ses sentiments, qui restent d’une remarquable ténacité malgré les errements de François. Elle connaît pourtant bien des déboires : pianiste, elle s’use à donner des leçons de piano qui entravent ses possibilités de carrière plus prestigieuse ; elle doit aussi prendre soin de son père malade ; son frère n’est qu’un fardeau de plus.

Sans rompre véritablement, François se détache, et même la complicité des débuts autour de la culture (« Ils ont ouvert ensemble un livre merveilleux. Du côté de chez Swann, d’un auteur inconnu ») tend à disparaître. La patience de l’une ne peut suffire aux penchants erratiques de l’autre et chacun avance vers son destin tragique.

Le roman est agréable à suivre, dans un style sans graisse superflue, ponctué de références littéraires bienvenues : Goethe, l’Arioste, François Villon, et le philosophe Schopenhauer, qui nous laisse méditer sa sentence : « L’essentiel est ce qui dure, non ce qui devient toujours ».

Andreossi

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Un homme se penche sur son passé. Maurice Constantin-Weyer

Un bon roman d’aventures que ce prix Goncourt 1928. Nous voici entraînés d’abord dans la Prairie des Etats-Unis puis au cœur du Canada pour suivre le narrateur, Monge, dans ses essais de vie plus sédentaire après un temps de coureur des bois, mais aussi dans ses mésaventures sentimentales. C’est l’occasion, pour cet homme qui fait le bilan de sa vie, d’offrir des réflexions plus générales : « Dès que nous échappons à l’artificielle construction de la Civilisation, nous nous heurtons à un monde qui ne vit que par le meurtre et l’amour, sans qu’on puisse dire lequel des deux est le plus fatal ».

Venu vendre des chevaux sauvages au Canada, le Français Monge s’arrête dans la ferme des O’Molloy et est retenu par le rire d’Hannah, laquelle flirte avec Archer. Notre héros part chasser dans le Nord avec Paul, le fiancé de l’autre fille O’ Molloy, Magd. Paul meurt dans la neige canadienne. Monge, pour échapper à la pression des loups, enveloppe le corps de son ami dans un cercueil de glace ! De retour à la ferme il trouve Magd fiancée à un autre, et Hannah prête à l’épouser.

Le couple s’installe, a une petite fille, mais Monge perçoit des divergences entre les désirs de sa femme et les siens. Et Archer, l’ancien rival, revient au village. Tentative de meurtre, poursuite et fin tragique se succèdent, mais l’atmosphère du récit reste mélancolique, on n’oublie pas le titre du roman. Cet aventurier est malgré tout amateur de livres, et Shakespeare, Shelley, Milton, Dickens l’accompagnent dans son équipée.

Comme dans les grands romans du Nord canadien, la nature est très concrète, mais toujours évaluée à l’aune d’une pensée darwiniste : « Voici cette charmante petite mésange, qui chante si gentiment que ce serait pitié de la tuer. Elle plonge de sa branche d’arbre, décrit un arc de parabole qui l’amène au ras de la terre, traverse la toile de l’araignée, remonte d’un autre arc de parabole, l’araignée dans son petit ventre satisfait… Et jusqu’aux plantes, et jusqu’aux plantes ! …Les arbres s’étouffent, s’écrasent et se jugulent mutuellement. La Forêt est pleine de guet-apens végétaux, de crimes botaniques ! »

Le narrateur trouve dans la Nature matière à tirer enseignement dans les épreuves qu’il traverse : « Cette grande leçon que m’avait donnée la vie sauvage, je veux dire cette constatation, de tous les instants, que la vie est naturellement un sublime et tragique mélange de volupté et de douleur, -dites, si vous voulez, d’amour et de mort !- j’en retrouvais ici une application singulière ».

Andreossi

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Les enfants gâtés. Philippe Hériat

Le Goncourt 1939 nous fait entrer dans le milieu de la haute bourgeoisie parisienne par le biais d’une thématique centrale pour cette classe, le mariage. La narratrice nous raconte son histoire de fille plutôt indocile, incapable toutefois de rompre avec les siens à cause de ce qu’elle appelle justement le marquage familial Boussardel.

Partie pour quelques semaines, Agnès reste deux ans aux Etats-Unis car elle est tombée sous le charme de Norman. Elle finit par se lasser de lui, le quitte, et retourne à Paris dans sa famille où elle retrouve tous les travers qu’elle déteste, ainsi que le provincialisme français : « J’avais connu là des amusements sportifs, garçonniers, aussi peu mondains que possible, offrant enfin cette apparence de libre consentement qui caractérise, en Amérique, les obligations comme les plaisirs. Ramenée presque sans transition dans ce bal de la Troisième République, j’éprouvais l’impression d’avoir reculé de trente ans ».

Elle a la faiblesse de passer une nuit avec son ancien amant américain, de passage à Paris, et se retrouve enceinte. L’habileté du romancier est de poser la question de l’alliance bourgeoise par son négatif : que faire de ceux et celles difficiles à marier ? La réponse pour les Boussardel est simple : marier ensemble les jeunes gens dont on ne sait que faire.

Agnès cache son état mais se confie à un cousin atypique, Xavier. Celui-ci n’hésite pas en lui proposant le mariage, ce que la famille s’empresse d’encourager. Cette alliance est sans vraie passion, mais la passion amoureuse ne fait pas partie de la culture Boussardel. Et Agnès se contente de peu : « Je partageais, à ma façon, son bonheur, sans pourtant partager ses plaisirs. Dès le premier soir j’avais compris qu’ils me seraient refusés. Cette disgrâce, qui m’étonnait moins et dont je commençais à soupçonner qu’elle est la condition commune à beaucoup de femmes, ne m’inspirait ni révolte ni amertume ».

Elle annonce enfin à sa famille qu’elle attend un enfant. Catastrophe : la tante Emma , tutrice de Xavier, lui annonce qu’il est impossible qu’il soit le père car il est réputé stérile (ce qui explique l’enthousiasme familial pour ce mariage avec Agnès l’indocile). On ne sait trop dans quelles circonstances Xavier tombe d’un balcon et se tue.

Agnès élève seule son enfant dans le sud de la France et ne se fait pas d’illusion sur sa capacité à briser les liens avec ses origines : « J’avais cru fuir les Boussardel. Il y en avait deux dans l’île : moi et mon fils ».

Andreossi

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Les mandarins. Simone de Beauvoir

Qu’il est long le prix Goncourt 1954 ! Des dizaines et des dizaines de pages de dialogues d’ordre politique en continu, entrecoupés de quelques récits d’aventures sexuelles ou amoureuses, pour arriver aux mille pages dans la version poche. L’écriture est très banale et le roman ne tient que par la sagacité d’observation du micro milieu que constituent ces « mandarins », intellectuels de haut vol qui pouvaient croire à leur époque que leur parole avait de l’influence.

Les historiens peuvent trouver intérêt à cette description des idées débattues juste après la Libération de 1945. Les protagonistes, dont la critique a reconnu les traits (outre Simone de Beauvoir elle-même, Sartre et Camus en particulier), se trouvent pris entre les feux américains et soviétiques pour définir leur ligne politique. La grande affaire, qui va poser question longtemps en France, est l’attitude à adopter face au puissant Parti Communiste Français. Ne pas s’y associer n’est-ce pas faire le jeu de l’Amérique et abandonner l’espoir d’une URSS qui représente le contre modèle à l’exploitation capitaliste ?

Mais les cailloux dans les chaussures se font de plus en plus douloureux : les récits concernant les camps soviétiques passent désormais les frontières : faut-il les publier ou attendre d’être plus amplement informé ? L’éventail des positions apparaît dans les dialogues entre ces parisiens pour lesquels le monde se résume à leurs échanges. En termes d’action, on a tout de même, pour les plus excités, la chasse très expéditive aux collabos.

On a bien du mal à se représenter le Paris de l’époque et même le voyage au Portugal tant les lieux où évoluent les personnages ont peu de consistance. Mais lorsque la narratrice Anne découvre les Etats Unis et son écrivain amoureux, au milieu du roman, le lecteur respire alors l’air américain et commence à percevoir quelque notion des propriétés corporelles des individus. Un accent de vérité émerge sur le plan des sentiments. Mais Anne ne passe qu’une centaine de pages aux Etats-Unis.

La narratrice a peut-être tiré des leçons de son voyage du point de vue de la littérature. L’écrivain français, de son côté : « C’est à ça que ça sert la littérature : montrer aux autres le monde comme on le voit ; seulement voilà : il avait essayé, et il avait échoué ». Le romancier américain a d’autres qualités : « On sentait à travers ses récits qu’il ne se reconnaissait aucun droit sur la vie et que pourtant il avait toujours eu passionnément envie de vivre ; ça me plaisait, ce mélange de modestie et d’avidité ». Un aveu tardif mais réconfortant.

Andreossi

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Loving

loving_jeff_nicholsIls s’aiment. Elle lui annonce qu’elle attend un enfant. Il sourit. Il achète un terrain pour construire une maison près de sa famille à elle, et quand il le lui montre, là, en plein champ, il la demande en mariage.

Nous sommes aux Etats-Unis en 1958, dans un coin de campagne où familles blanches et noires vivent en proximité et, pour certaines, en amitié. Que la noire Mildred et le blanc Richard Loving tombent amoureux n’a alors rien d’exceptionnel. Du moins c’est ainsi que les faits nous apparaissent au début du film tant leur histoire est empreinte d’évidence et de simplicité. Sauf qu’à cette époque, l’Etat de Virginie, ségrégationniste, interdit les unions mixtes. Mildred et Richard vont donc se marier furtivement à Washington.

Mais ce que la justice réprouve, la société le réprouve aussi majoritairement. Les jeunes époux sont dénoncés et, une nuit, la police vient les chercher dans leur lit pour les incarcérer. Leur avocat, « le meilleur du comté », se fait fort, parce que le juge est l’un de ses amis, de leur obtenir une suspension de peine : la liberté s’ils consentent à quitter l’Etat de Virginie pendant… 25 ans.

Mildred et Richard Loving s’aiment. Alors ils le font. Ils quittent familles, amis, travail, terrain, arbres et champs pour s’installer en ville où ils sont hébergés par une connaissance. Début d’un long exil et d’une grande tristesse.

Et c’est finalement Mildred qui acceptera la première de se battre pour contester cette décision, jusqu’à la Cour Suprême, qui l’annulera dans un arrêt qui fera date.

Tiré d’une histoire vraie, Loving est un film poignant. Mais il a ceci d’admirable qu’il n’est jamais tire-larmes ni grandiloquent. Au contraire, il traite son sujet avec beaucoup de délicatesse et de sobriété. Montrés dans toute leur dignité, les personnages sont toujours abordés du point de vue humain – leur amour, celui pour leur famille – alors que l’aspect juridique et social du combat pour les droits civiques semble les dépasser. La caméra est lente, prend sont temps pour scruter les visages, sur lesquels on essaie de lire des pensées et des sentiments qui sont rarement exprimés. Mais on comprend, on se désole, et on revoit une nouvelle fois d’où une certaine Amérique vient.

Loving, un film de Jeff Nichols, sélectionné au dernier Festival de Cannes,

Avec Joel Edgerton, Ruth Negga, Marton Csokas

Durée 2 h 03

Sorti le 15 février 2017Facebooktwitter

American Sniper. Clint Eastwood

american_sniperLe 34ème long-métrage de Clint Eastwood est, paraît-il, le plus grand succès du réalisateur américain, âgé maintenant de 84 ans, dans son propre pays. Enflammant les conservateurs, qui y voient une ode au patriotisme, il a en même temps déclenché une polémique – que la France s’est pour partie empressée d’importer -, qualifié par d’autres de belliciste.

Qu‘American Sniper ait une telle résonance aux Etats-Unis ne saurait surprendre. Il met en effet en scène (à la sauce Eastwood, ce qui n’est pas un détail) l’histoire de Chris Kyle – impeccablement interprété par Bradley Cooper -, tireur d’élite pendant l’occupation de l’armée américaine en Irak dans les années 2000. Son boulot : membre des forces spéciales SEAL, protéger les Marines en éliminant tous ceux qui, armés, s’en approchaient d’un peu trop près. Et comme il était à la fois très courageux et très doué, il a ainsi abattu des centaines de « cibles ». A tel point qu’il a été surnommé La légende au sein de l’armée.

C’est un film de guerre, qui montre une guerre contemporaine, en milieu urbain et avec les technologies d’aujourd’hui (comme le téléphone portable, qui permet par exemple à Chris Kyle d’appeler son épouse au milieu des tirs), à dix milles lieux des films de guerres classiques que l’on a pu voir, avec pourtant toujours les mêmes règles et les mêmes horreurs. La traque, la loi du plus fort et de l’épouvante, la torture, les blessures et la mort. Clint Eastwood filme sans détour. C’est frontal, brutal. Jamais complaisant. De ce strict point de vue, y voir une apologie de la guerre est pour le moins curieux.

Clint Eastwood n’est pas un discoureur. Ses films parlent d’eux mêmes, sans besoin d’interprétation. Cette guerre d’Irak, le réalisateur (magnifique) du diptyque sur la guerre du Pacifique Mémoires de nos pères et Lettre d’Iwo Jima (qui étaient plus sophistiqués, moins frontaux d’une certaine manière) la montre par le biais du personnage de Chris Kyle. Il paraît que celui-ci était beaucoup plus « primaire » que ce qu’en a fait Eastwood. Celui que l’on voit à l’écran est un homme engagé, qui croit que son devoir est de défendre son pays et que pour cela il doit aller combattre les « affreux » qui se terrent en aiguisant leurs armes en Irak (le bien-fondé, ou non, de ce raisonnement n’est pas le sujet du réalisateur). Un homme simple, pas simplet, gentil et qui pense être sur cette terre pour protéger les siens – sa famille, ses compatriotes. Pas un héros ni un débile, mais un homme qui croit en quelque chose et qui le fait. Même s’il s’agit de tuer.

Eastwood ne juge pas. A la place, il montre. La vie de Chris Kyle. L’enfance, à la dure, avec un père « tradi » qui avait une idée très arrêté de ce que doit être un homme ; la jeunesse, entre rodéos et bières ; puis la période d’engagement, jeune homme droit et déterminé, qui tombe amoureux de sa future femme, aime la légèreté et plaisanter. Viennent ensuite les opex successives, de plus en plus dures. Ponctuées de retour à la vie civile de plus en plus difficiles, où il retrouve son épouse et ses deux jeunes enfants qu’il ne voit pas grandir. Enfin, le retour définitif, quand il comprend qu’il « ne pourra plus ».

En quelques scènes Clint Eastwood montre les ravages de la guerre sur les soldats : ceux qui sont morts, sous un beau et grand drapeau, mais morts ; ceux qui passeront le reste de leur vie dans un fauteuil roulant ; ceux qui sont complètement traumatisés c’est-à-dire zinzins (la scène de quelques secondes sur le tarmac, où Chris croise son jeune frère en retour de mission est à cet égard édifiante). Tous les autres enfin qui, d’une manière ou d’une autre, ne s’en remettront probablement jamais non plus : Kyle fait partie de ceux-là. Le cinéaste n’emprunte ici rien au lyrisme (qu’il porte pourtant fort bien, et plus souvent qu’à son tour, comme dans Lettres d’Iwo Jima). Il y a juste, à l’intérieur de la grande Histoire, une histoire, celle d’un sniper américain. Elle se suffit à elle-même, tout en en contenant beaucoup d’autres.

American Sniper

Un drame de Clint Eastwood

Avec Bradley Cooper , Reynaldo Gallegos , Jake McDorman

Sorti en salles le 18 février 2015

Durée 2 h 12Facebooktwitter

Edward Hopper au Grand Palais

Hopper, Morning Sun

Edward Hopper (1882-1967) présente le paradoxe d’être aussi célèbre que son oeuvre est peu connue, en tout cas des Français qui n’ont pas eu la chance de voyager aux Etats-Unis.
C’est une raison suffisante pour expliquer le succès de la rétrospective présentée au Grand-Palais, qui est d’ailleurs prolongée jusqu’au 3 février 2013 avec de grandes plages horaires pour permettre au public le plus large de la découvrir.

Présentée selon un plan chronologique, l’exposition répond pleinement aux attentes du spectateur néophyte : elle montre les sources de son travail, les différentes techniques explorées ainsi que son évolution.
Mais malgré les différentes étapes parcourues, ce qui frappe à l’issue de la visite est la grande cohérence de son œuvre. Cohérence des motifs, cohérence de la manière.

Biberonné à la peinture moderne française notamment, avec Degas, Marquet, Vallotton, Pissarro (dont on peut voir de très beaux tableaux), il s’en dégagera ensuite pour trouver sa propre voie.
Malgré tout, les paysages urbains, les scènes d’intérieur et les lieux de spectacles peints par les impressionnistes et leurs suivants constituent des thématiques que l’on retrouvera toujours chez Hopper.

Côté compatriotes, si c’est avec Robert Henri qu’il se forme, sa façon d’appréhender les sujets sera beaucoup moins marquée par le réalisme que celle de son maître et de ses contemporains américains (dont des œuvres sont également exposées).
Avant de connaître le succès, Edward Hopper travaille dans l’illustration à titre alimentaire. Bien qu’il n’en retire aucun plaisir, ce travail, après avoir nourri l’homme, nourrira plus tard l’artiste.

Hopper, Summertime

Quand enfin il peut se consacrer à la peinture, il ne s’empêche pas quelques embardées du côté de l’aquarelle – qu’il abandonnera, car à la peinture sur le motif il préfère la peinture d’atelier – et de celui de la gravure. La visite de l’espace consacré à ce dernier médium est un ravissement. Non seulement parce que ces gravures sont très belles, mais encore parce qu’elles sont éminemment "hopperesques" : compositions ultra-travaillées, géométrie au cordeau, thématiques touchantes, jeux de lumière.

Ces caractéristiques-là se retrouvent bien sûr dans ses tableaux – des moyens et des grands formats – où il fait en outre claquer la couleur avec brio – avec de superbes oppositions froid/chaud – et créé des lumières toutes particulières. Ces lumières-là font beaucoup de "l’ambiance" des tableaux de Hopper : pointe du jour blafard, nuit froide comme livrée à elle-même, insolent soleil d’un jour d’été, lumière matinale ou vespérale n’éclairant du tableau que son mystère.

Et puis bien sûr, il y a les "sujets Hopper" : ses maisons, ses paysages, et surtout ses personnages, vus souvent d’une fenêtre ou d’une vitrine, pris dans leur environnement quotidien au possible (un café, un bureau, une chambre), pour ne pas dire dans leur cadre au sens littéral du terme. Des couples qui s’ennuient à périr et s’ignorent et, plus poignantes encore, des femmes seules qui lisent ou sont plongées dans leurs pensées. Elles sont belles, élégantes, et en même temps tellement sincères, comme désarmées, parfois carrément mélancoliques. On dit qu’elles attendent – elles en ont souvent l’air – mais peut-être certaines n’attendent-elles pas, contemplant simplement à travers une fenêtre ouverte ou sur le pas d’une porte la seule lumière d’un ciel d’été.

Edward Hopper
Grand Palais
3 avenue du Général Eisenhower – Paris 8ème
Entrée : Square Jean Perrin
Jusqu’au 3 février 2013
Horaires :
Jusqu’au 28 janvier : lun. : 10h-20h, mer., jeu., ven. : 10h-22h, sam. et dim. : 9h-22h
Puis du 29 au 31 janvier de 9h à 23h et du 1er au 3 février jour et nuit
Plein tarif : 12 euros, réduit : 8 euros

Images :
Edward Hopper: Morning Sun, 1952. (Crédits photo: © Columbus Museum of Art, Ohio)
Summertime, 1943 – Edward Hopper, Delaware Art Museum, Wilmington, USA / © Bridgeman 2012

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Netherland. Joseph O’Neill

Netherland, Joseph O'Neill, l'OlivierDrôle de roman que ce Netherland, livre hautement recommandé par Barack Obama soi-même à ce qu’on dit. Histoire ténue, "à l’Américaine", écrite par un Irlandais de New-York, par laquelle un homme ordinaire à point raconte un bout de sa vie, faite de rencontres, d’amours et d’amours brisées, d’amitié, de passion et de questions.
Il y a des qui suis-je ?, pourquoi ici ? et pour quoi faire ? dans ce livre admirablement écrit, où Joseph O’Neill décrit ce presque rien qu’est l’existence, un souffle d’émotions, de sentiments et de mots que l’on pose sur nos vies.
Qui est vraiment Hans, le narrateur ? Analyste financier néerlandais installé à New-York, d’où, après le 11 septembre, sa femme le quitte pour rejoindre Londres avec son fils, Hans soudain malheureux se pose la question pour première fois. Les souvenirs d’enfance dans son plat pays, les raisons de sa venue aux Etats-Unis, il les évoque au fil d’une amitié nouée avec un homme un peu trouble mais profondément séduisant, Chuck Ramkissoon, un immigré de Trinidad, comme lui animé d’une singulière passion : le cricket. Sport peu connu, sport d’immigrés, sport savant et classe pratiqué de blanc vêtu en une sorte de ballet, dont l’écrivain nous dit tout mais dont on ne comprend goutte, ce qui est de peu de poids. L’importance est certainement bien davantage dans le pourquoi. Au détour de cette communauté hétéroclite et souvent pauvre s’adonnant à ce sport en marge du modèle dominant, O’Neill trace les contours des Etats-Unis d’Amérique, de l’identité d’une nation. Identité nationale plus que jamais mouvante, indéterminable, inventée chaque jour. Mais aussi identité d’un homme qui à travers ce hobby empoigne enfin quelque chose, se définit par rapport au groupe et à l’Autre, pour ensuite empoigner l’essentiel de sa vie.
Bien beau pays que ce Netherland, que l’on traverse en acceptant de se laisser dériver doucement, porté par l’écriture ciselée de Joseph O’Neill, pleine de lucidité, de délicatesse et de se sensibilité.

"Netherland"
Joseph O’Neill
Traduit de l’américain par Anne Wicke
L’Olivier, 304 p., 22 euros

Joseph O’Neill, né en 1964 à Cork en Irlande vit depuis plus de dix ans à New York. Netherland est son toisième roman (le premier publié en France). Très bien accueilli à sa sortie aux Etats-Unis en 2008, il a reçu le Pen/Faulkner Award.

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Les Fauves Hongrois réunis à Céret

Les fauves hongrois au musée de Céret, expositonMaglm est en vacances… mais les expos continuent ! Avant de partir, j’ai repéré ceci pour vous… à vous donc d’aller voir, chers lecteurs !

Faire connaître au public français le travail des artistes hongrois qui révolutionnèrent la peinture de leur pays au contact des nouveaux courants picturaux du XXème siècle, tel est le propos de l’exposition présentée au Musée d’art moderne de Céret (Pyrénées-Orientales) jusqu’au 12 octobre 2008.
Réalisée en partenariat avec le Musée Matisse Le Cateau-Cambrésis et le Musée des Beaux-arts de Dijon, l’exposition réunit quelques cent-soixante oeuvres venues de Hongrie, d’Allemagne, des Etats-Unis ou encore de collections françaises. Est ainsi mis en lumière le fauvisme hongrois de 1904 à 1914, très lié à l’apparition du mouvement fauve en France et notamment au travail d’Henri Matisse.

1904-1914, Fauves hongrois
Jusqu’au 12 octobre 2008
Musée d’art moderne de Céret
8, Bd Maréchal Joffre
BP 60413, 66403 Céret
Ouvert TLJ de 10 h à 19 h jusqu’au 15 septembre
Puis de 10 h à 18 h
Fermeture le mardi du 1er octobre au 15 février
Entrée collection permanente + exposition temporaire 8 € (TR : 6 euros)

Image : Tihanyi Lajos, Scène de rue à Nagybánya (vue depuis la tour), 1908, Huile sur toile, 70 x 70 cm © Coll. Galerie Nationale Hongroise

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