Roland Petit s’est toujours attaché à mettre en lien la danse et la littérature.
En 1974, celui qui allait rester à la tête du Ballet national de Marseille pendant vingt-six ans créé à l’Opéra de Monte-Carlo Proust et les intermittences du cœur.
Il est alors le premier à proposer une adaptation chorégraphique de La Recherche.
En 2007, le ballet entre au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris. Sa reprise cette saison est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir ce magnifique spectacle.
Accompagné d’un choix séduisant de compositeurs du XIXème, les deux actes réunissant au total treize tableaux sont dédiés successivement aux univers féminins puis masculins du roman. Après une ouverture sur le clan Verdurin – esprit duchesse de Guermantes, ce qui est déjà un programme en soi – Roland Petit s’attèle à ce qui constituera le fil conducteur de sa "lecture dansée" de Proust : les passions.
L’évocation de la sonate de Vinteuil – cette phrase musicale devenue pour Charles Swann symbole de l’amour – surgit d’un splendide duo, tendre, fluide, à l’épure émouvante. Viendront ensuite les aubépines de l’enfance du narrateur et sa prime passion pour Gilberte, puis Balbec et ses jeunes filles en fleur et, déjà, les soupçons quant aux amours d’Albertine et Andrée. Son incurable jalousie conduira le narrateur à faire d’Albertine sa prisonnière. Ce dernier tableau La regarder dormir, se clôturant sur la disparition d’Albertine, extrêmement métaphorique, est d’une splendeur à couper le souffle.
Tout au long de ce premier acte, la délicatesse puis la force des sentiments, mais aussi la finesse d’écriture de Marcel Proust sont merveilleusement transposés, tandis que les costumes et les décors (que Roland Petit a fait recréer pour l’entrée du ballet au répertoire de l’Opéra de Paris), où dominent blancheur et transparence illustrent élégamment le propos.
La deuxième partie nous plonge dans l’univers tourmenté des hommes et du vice, notamment celui du terrible baron de Charlus, sempiternellement aux prises avec ses passions et ses démons. Un acte beaucoup plus sombre, où la duplicité de Morel, le jeune violoniste dont Charlus est amoureux fou s’incarne dans un contraste de noir et de blanc, où les maisons de plaisir apparaissent dans un classique rouge et noir, où le supplice du baron est teinté de gris.
L’obscurité de la ville privée de ses lumières pendant la guerre donne lieu à un tableau de corps dénudés en ombres chinoises d’une troublante beauté.
Enfin, sur une musique de Wagner, survient "Cette idée de la mort…", ballet macabre où les mondains hier si brillants apparaissent comme de pauvres automates dont les années ont figé les traits, où la duchesse de Guermantes elle-même se révèle dans toute sa vanité, où le narrateur, face au miroir que constitue cette société réalise que le temps a passé et que la mort ne va pas tarder.
Proust ou les intermittences du cœur
Chorégraphie et mise en scène : Roland Petit
Musiques : Ludwig van Beethoven, Claude Debussy, Gabriel Fauré, César Franck, Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Richard Wagner
Décors : Bernard Michel, cosumes : Luisa Spinatelli
Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Koen Kessels
Opéra national de Paris
Palais Garnier – Place de l’Opéra, Paris 2ème (tel. : 08 92 89 90 90)
M°Opéra, bus 20, 21, 22, 27, 42, 66, 68, 81, 95
Du 27 mai 2009 au 8 juin 2009
Tous les jours sauf le dimanche à 19 h 30
Places de 6 € à 85 €