Gemma Bovery. Anne Fontaine

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L’idée est amusante, le casting sympathique, mais le résultat plutôt décevant.

Martin, ex intello parisien reconverti dans la farine coule des jours calmes – mais peut-être pas si heureux que ça – dans un village normand avec sa sympathique épouse et son fils bourgeonnant. S’il a quitté le milieu de l’édition pour la boulangerie paternelle, il est resté fidèle à la littérature, et particulièrement à Gustave Flaubert, à qui il voue un véritable culte.

Voici qu’il se passe enfin quelque chose d’excitant : l’installation, juste en face de chez lui, de Gemma et Charles Bovery, un couple d’Anglais, dont le nom lui-même met déjà notre rêveur en émoi. Cet émoi n’est rien à côté de celui qui le saisira quand il découvrira la charmante personne de Gemma, sensualité faite femme. Il lui montre comment on fait la pâte ; lui fait déguster ses meilleurs pains ; lui fait goûter le Calva : tout y passe. Il est amoureux en secret. Mais elle, évidemment, elle s’en fiche du Martin, elle est toute à sa joie de sa nouvelle vie avec son mari en Normandie.

Sauf qu’elle est jeune et pétillante, qu’il pleut souvent et que ça reste la campagne. Elle s’ennuie. Tombe à pic un jeune bien-né parisien qui vient passer quelques temps dans le château familial pour tenter d’y étudier quelques lignes de droit. Il a une jolie figure et sait s’y prendre. En deux temps trois mouvements, Gemma trompe son Charles entre ses bras.

Notre Martin observe tout cela et a même tout vu venir puisque son imagination lui fait penser depuis le début que Gemma Bovery est Emma Bovary et que par conséquent son destin est déjà écrit. Là où les choses vont se corser, c’est quand il va vouloir sauver « son » héroïne et se mêler de ce qui ne le regarde pas…

L’originalité et le charme de Gemma Bovery viennent naturellement du rôle de Martin, qui se fait son roman comme d’autres se font des films, et commente en voix off les événements avec l’aplomb de celui qui tient la plume. Le regard de Martin créé un décalage et ce décalage suscite un humour réel. A cet égard, la scène de la rencontre entre Emma et son futur amant devant la boulangerie est très réussie.

Pour le reste, le film ne présente pas grand intérêt. Montrer les rapports humains et de classes de la bonne société de province, Claude Chabrol l’a fait bien avant Anne Fontaine et en beaucoup mieux. La sensualité d’une passion charnelle entre verte prairie et vieille commode, c’est pas du neuf non plus. Quant à l’ingénue en jolie robe face au vieux sage qui saurait tout, ça sent aussi le déjà vu, et ici, comme le reste, tellement appuyé… Les acteurs, pour bons qu’ils soient, ne peuvent jouer que ce qu’on leur donne, en l’occurrence du convenu. On le regrette d’autant plus qu’on adore Fabrice Luchini et qu’on avait beaucoup aimé la charmante Gemma Arterton dans Tamara Drewe, un poil plus sulfureux et surtout d’un comique autrement plus abouti.

Gemma Bovery

Anne Fontaine

Avec Fabrice Luchini, Gemma Arterton, Jason Flemyng

Durée 1 h 39

Sorti en salles le 10 septembre 2014

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Bouvard et Pécuchet au Théâtre Lucernaire

Bouvard et Pécuchet au LucernairePublié à titre posthume en 1881, Bouvard et Pécuchet est le dernier roman de Gustave Flaubert (1821-1880).
Il raconte l’histoire de deux gratte-papiers qui se rencontrent par une chaude journée d’été. L’un arrivant de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes, ils s’assoient au même moment sur le même banc devant l’eau couleur d’encre du canal Saint-Martin. Là, ils partagent leur dégoût des affaires comme du divertissement, des femmes en particulier ("frivoles et acariâtres") et du genre humain en général. D’accord sur tout, ils conviennent qu’ils seraient bien mieux à la campagne. C’en est fait : "éprouvant le charme des tendresses à leurs débuts", ils deviennent non seulement amis mais encore inséparables.
A la faveur d’un héritage reçu par Bouvard, les deux compères s’installent dans une ferme normande et mettent leurs rêves à exécution, se lançant successivement dans l’élevage, l’agriculture, l’horticulture, l’arboriculture. Ils étudient également la médecine, la chimie, l’astronomie, puis encore la littérature et la philosophie.
Hélas, entre inspiration des plus improvisées et consultation aveugle des encyclopédistes, ils ne mènent à bien aucune de leurs expériences. D’échec en échec, ils finissent par éprouver l’ennui profond de la campagne et, tous rêves fracassés, se résolvent à revenir à leur travail de copistes à Paris…

Cruelle comédie sur la vanité humaine, Bouvard et Pécuchet est ici adapté avec toute la précision, la truculence et la force satirique flaubertiennes.
Excellents, Philippe Blancher et Roch-Antoine Albaladéjo ponctuent le jeu direct d’extraits du récit bien ciselés. Le rythme est trépidant et la mise en scène inventive. Deux tabourets tournants, deux portants et deux pupitres métalliques suffisent à recréer tous les décors : les rues de Paris, les restaurants, les escaliers d’immeubles, puis la maison de campagne et sa pendule qui égrène les heures, le parc et ses peupliers au balancement incessant… Tous ces univers-là, ces ambiances, ce quotidien fait d’enthousiasmes autant que de déceptions, les deux comédiens les restituent avec beaucoup de malice, faisant de cette terrible farce une interprétation savoureuse .

Bouvard et Pécuchet
D’après Flaubert
Adaptation et mise en scène : Vincent Colin
Avec Roch-Antoine Albaladéjo et Philippe Blancher
Et la voix de Edith Scob
Théâtre Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6ème
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15 h
Durée : 1h environ
Le spectacle est prolongé jusqu’au 26 mai 2013

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