Admirer l'Âge d'or hollandais

Catalogue de l'exposition Age d'or hollandais à la Pinacotheque Pour permettre à ses nombreux visiteurs de mieux profiter de l’exposition L’Âge d’or hollandais, de Rembrandt à Vermeer organisée en association avec le Rijksmuseum d’Amsterdam, la Pinacothèque de Paris a élargi ses horaires d’ouverture depuis vendredi dernier.

Vous pouvez désormais la visiter de 10h30 à 20h tous les jours et jusqu’à 22h les mercredi et vendredi.

A signaler aussi, une très belle idée de cadeau, pour tout de suite ou pour les fêtes de fin d’année : le catalogue de l’exposition, magnifiquement édité avec les reproductions de l’ensemble des œuvres en pleine page et des textes riches et limpides.

Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – 75008 Paris
Jusqu’au 7 février 2010
TLJ de 10 h 30 à 20 h, jusqu’à 22 h les mercredi et vendredi
25 décembre et 1er janvier de 14 h à 18 h
Entrée 10 € (TR 8 €)

L’Âge d’Or hollandais de Rembrandt à Vermeer avec les trésors du Rijksmuseum
Éditions Pinacothèque de Paris
Relié – 28 x 24 cm, 304 pages, 45 €
ISBN : 9782358670043

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L'Âge d'or hollandais à la Pinacothèque de Paris

Frans Hals, portrait d'homme, exposition à la Pinacothèque de ParisRembrandt, Vermeer : deux noms qui font rêver tant leurs œuvres, fort différents l’un de l’autre, éblouissent encore par leur virtuosité. Tous deux renvoient à cet âge d’or qu’à connu la Hollande au XVIIème siècle, quand, après les sanglantes Guerres de Religion, les sept provinces du Nord, et notamment la Hollande (majoritairement calviniste) font sécession et acquièrent leur autonomie. De leur côté, les Pays-Bas du sud restent sous domination espagnole et deviennent une base avancée du catholicisme.
La liberté politique et religieuse que connaissent alors les provinces du Nord va profiter à l’économie, aux sciences et à l’art. Grâce à des banquiers et à des marchands entreprenants, la Hollande conquiert le commerce maritime et voit ses villes portuaires (Haarlem et surtout Amsterdam) prospérer considérablement. Les commerçants et les notables cherchent à décorer richement leurs intérieurs, avec des meubles, des objets raffinés et des petits tableaux, faisant ainsi travailler un grand nombre d’artistes. Les peintures n’étant pas admises dans les Temples, les nobles et les bourgeois mais aussi les corporations d’artisans deviennent les principaux commanditaires. Tableaux d’histoire (biblique, antique ou contemporaine), portraits ou scènes de la vie quotidienne (paysages, natures mortes, épisodes de la vie sociale ou domestique), les artistes se spécialisent dans l’un ou l’autre de ces genres afin de s’assurer des débouchés. Une exception cependant : Rembrandt, qui réalisa aussi bien des scènes bibliques, que des portraits de groupe (dont la fameuse Ronde de nuit), des scène de genre et des portraits.

C’est à ce somptueux XVIIème siècle hollandais que la Pinacothèque de Paris redonne vie jusqu’au 7 février 2010 en exposant une centaine d’œuvres du Rijksmuseum d’Amsterdam, essentiellement des peintures, mais aussi des dessins et des objets – notamment des faïences de Delf, l’un des plus grands centres de production de céramique à l’époque.
La sélection de tableaux est représentative de la diversité des sujets et du niveau atteint par les artistes, dont la formation était solidement organisée. Dans la splendide série de natures mortes, celle de Jan Jansz van de Velde constitue un modèle, où ne manquent ni les citrons, ni le verre, ni l’étain, la faïence ou l’étoffe, le tout avec un soin du détail inouï et un sens de la composition assuré : une œuvre à contempler jusqu’à en avoir épuisé tous les éléments, non sans ravissement. Les compositions florales séduisent d’abord par les couleurs qui contrastent sur le typique fond noir, la véracité des fleurs (ah, ces roses anglaises au pétale velouté, on en sentirait le parfum !), puis on remarque ici et là de minuscules insectes, le vert de l’eau du vase un peu croupie, et même quelques fils de toile d’araignée…
Branche particulière du genre, les vanités : le tableau Crânes sur une table d’Aelbert Jansz van der Schoor est presque canonique. Il s’agissait de rappeler aux mortels, avec moult éléments symboliques, la vanité de l’existence en ce monde : y compris le savoir (les livres), tout est vain sur notre bonne terre…
Les paysages sont pour certains d’entre eux assez surprenants. S’y lisent les stigmates des séjours à Rome, partie intégrante de la formation traditionnelle des peintres, qui importaient ensuite la manière italienne pour réaliser leurs paysages : c’est ainsi qu’on en arrive à des vues d’une campagne hollandaise parsemée de ruines antiques et éclairée par une jaune lumière du sud… A la limite du fantastique !

Les portraits forcent l’admiration, notamment ceux de Frans Hals (Portait d’homme et son pendant Portrait de femme exposés côte à côte), de Moses ter Borch, sans compter ceux de Rembrandt, marqué évidemment par le Caravage (bien que lui n’ait jamais mis les pieds en Italie), et dont la force d’expression est presque troublante. Ses scènes religieuses sont tout aussi novatrices, il n’y a qu’à regarder la vibrante Décapitation de saint Jean-Baptiste : tous ces visages sont si humains, si présents et habités, autour de la tête sans vie de Jean-Baptiste !

Un autre coup de cœur, celui-là pour un petit tableau discret signé Adriaen van Ostade. La lettre d'amour de Vermeer, exposition à la Pinacothèque de Paris
Il a pour titre L’atelier du peintre et est placé en début de parcours pour montrer la place des artistes dans leur pays et dans leur époque. Dans une ambiance de travail chaleureuse, éclairée par une fenêtre sur le côté (qui n’est pas sans rappeler un certain Vermeer), trois personnages, dont un peintre, sont plongés dans leur tâche avec grand soin, malgré la rusticité du lieu (les combles). L’endroit où le peintre travaille est protégé par une toile suspendue au plafond. Tout et tous concourent à ce que la peinture soit menée à bien, même dans des conditions peu confortables : ce tableau résonne comme un message sur la condition de l’artiste, susceptible de s’élever grâce à son art, dans un pays déverrouillé des rigidités du système aristocratique.

On termine par le plus touchant – peut-être le plus beau – des tableaux de l’exposition : La lettre d’amour de Vermeer. Regardez les expressions fort différentes des deux femmes – maîtresse de maison et servante. Observez les détails qui créent le moment du tableau, l’instant-clé qu’est cette la scène, juste avant l’ouverture de la lettre. Admirez la composition, le naturel, la délicatesse des couleurs, de la lumière, des visages… A la fin, on croirait les entendre penser ! Une merveille.

L’Âge d’or hollandais, de Rembrandt à Vermeer
Une exposition organisée en association avec le Rijksmuseum, Amsterdam
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – 75008 Paris
Jusqu’au 7 février 2010
TLJ de 10 h 30 à 18 h
25 décembre et 1er janvier de 14 h à 18 h
Nocturne tous les premiers mercredis du mois jusqu’à 21 h
Entrée 10 € (TR 8 €)

Images : Frans Hals, Portrait d’homme, c. 1635, Rijkmuseum, Amsterdam © Department Rijksmuseum, Amsterdam
et Johannes Vermeer, La lettre d’amour, c. 1669-70, Rijksmuseum, Amsterdam, Acquis avec l’aide de Vereniging Rembrandt © Department Rijksmuseum, Amsterdam

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La double vie de Vermeer. Luigi Guarnieri

Luigi GuarnieriVoici certainement l’histoire de faussaire la plus gonflée et la plus réussie du siècle dernier.

Dans la première partie du XXème siècle, Han van Meegeren (VM), peintre hollandais admirateur des grands maîtres du passé, pourfendeur des modernes de son temps, produit une peinture traditionnelle qui plaît au public mais n’éblouit pas la critique.
Petit à petit gagné par l’amertume à l’égard des milieux "autorisés" qui ont le tort selon lui de s’intéresser un peu trop à ces Magritte, Picasso et autre Dali, VM se répand en articles féroces contre les critiques et historiens d’art. C’est ainsi que d’un même mouvement, il signe son exclusion des milieux artistiques et commence à nourrir un incommensurable désir de vengeance.
Il décide alors de faire un faux, un faux idéal, qui trompera tout ce beau monde et fera de lui un artiste de génie.

Sa "victime", idéale elle aussi : la peinture de Vermeer, alors découverte depuis peu et déjà vouée aux gémonies. Par bonheur, l’on ignore pratiquement tout de la biographie de Vermeer et ses oeuvres authentifiées se comptent sur quelques poignées de main.
VM s’engouffre dans la brèche ouverte par un historien d’art, selon qui le peintre hollandais aurait eu une "période religieuse".
Utilisant les techniques, les matériaux et les pigments du XVIIème siècle, y compris le plus coûteux d’entre eux, le bleu lapis-lazuli, VM réalise un chef d’oeuvre Les Disciples d’Emmaus qui bluffe et les experts et l’Etat néerlandais.
Il faut préciser qu’il bénéficie du contexte de son époque – celle-là même qui le conduira plus tard à sa perte : pendant l’occupation des Pays-Bas par l’Allemagne, l’Etat se précipite pour acquérir ce miraculeux Vermeer, de crainte qu’il ne tombe entre les mains de l’occupant.
Tout aurait pu s’arrêter là. (Et l’on ne peut s’empêcher d’imaginer que dans d’autres circonstances, étant donné l’absence de soupçon sur cette oeuvre, ce faux n’aurait peut-être jamais été identifié comme tel et que l’on admirerait encore aujourd’hui ce Disciples d’Emmaus comme l’un des plus beaux Vermeer…)

Mais VM ne put s’arrêter là, bien que sa vengeance eût été accomplie : la facilité avec laquelle il avait aveuglé les experts avait donné raison au mépris dans lequel il les tenait.
En réalité, notre héros courait après la reconnaissance de son talent d’artiste et dès lors il se mit à multiplier les faux et les risques, négligeant de plus en plus de détails (poussé certainement par un désir profond de se dévoiler comme auteur de ces oeuvres) jusqu’à ce que l’un de ses acheteurs ne soit autre que le nazi Hermann Göring.
Cette "plaisanterie" finira donc à la Libération sur une accusation de collaboration avec l’ennemi (ce qui n’était visiblement pas son intention) et, pour y échapper, VM avouera ses forfaits et leurs mobiles.

Malgré son style plat, ce roman qui se lit comme un document est absolument passionnant. D’une part parce que, partagé entre dégoût et admiration, le lecteur ne peut s’empêcher de s’attacher à ce stupéfiant faussaire, après qui la valeur de l’art et ses appréciations se trouvent quelque peu relativisées. D’autre part parce que le sujet sur lequel il s’appuie, l’oeuvre de Vermeer et l’engouement qu’elle a entraîné au début du XXème siècle donnent à Luigi Guarnieri l’occasion d’aller faire un petit tour du côté de chez Swann, au cours d’une délicieuse digression sur le fameux petit pan de mur jaune que Proust via Bergotte admirait tant dans le tableau La vue de Delf, celui-ci, paraît-il, authentique Vermeer…

La double vie de Vermeer. Luigi Guarnieri
Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli
Actes Sud (2006) 229 p., 19,80 €

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