La vie que Juliette Drouet, immense amoureuse de Victor Hugo, dédie tout entière à l’écrivain n’est pas pour autant une vie cloîtrée.
Pendant plusieurs années, durant l’été, le couple part régulièrement en Normandie, en Bretagne, en Belgique, dans le Nord de la France, au bord du Rhin. Ces voyages sont source d’inspiration pour Victor Hugo ; il évoquera les paysages, en particulier la mer dans ses poèmes mais aussi ses peintures et dessins.
De son côté, Juliette attend avec impatience ces escapades estivales :
3 juin 1839, matin
Je sens couver en moi la la maladie du voyage et je suis sûre même que ce que j’attribue à l’effet de la vaccine vient de la fièvre périodique du voyage. Et je ne crois pas qu’il y ait d’autre ordonnance pour ce genre de maladie qu’un passeport, d’autre pharmacie que des auberges, d’autres émollients ou cataplasmes que les banquette de diligence ou de cabriolet. Qu’en dites-vous ? Moi j’en dis que je vous adore.
Juliette
Viendront ensuite les combats politiques : lors de la tourmente de 1848, Juliette Drouet tient un journal de l’insurrection que Hugo retranscrit parfois mot pour mot.
Puis, en 1851, c’est elle qui l’aide à quitter clandestinement Paris.
Durant les 19 années d’exil, elle restera fidèle à son amour, le suivant partout, s’installant près de lui à Guernesey.
Elle lui apportera un soutien sans faille :
Guernesey. 24 février 1870 jeudi matin 8 h
Bonjour, mon cher grand bien-aimé adoré, et salut à la République dont le 22ème anniversaire se lève aujourd’hui. Puisse-t-il te rendre à ta chère France cette année, afin que tu lui apportes tout ce qui lui manque depuis que tu l’as quittée : Lumière, Honneur, Paix et Bonheur. C’est le voeu héroïque et désintéressé de mon mon coeur (…)
Juliette
Après le retour à Paris en 1870, Juliette demeurera aux côté de Hugo, l’aidant, l’assistant, veillant sur le foyer comme une épouse, continuant à l’adorer comme l’amante qu’elle n’a jamais cessé d’être, poursuivant son écriture malgré la fatigue de l’âge :
Paris 11 juillet 1882 mardi matin 7 h ½
(…) Je ne sais quand, ni comment cela finira, mais je souffre tous les jours de plus en plus et je m’affaiblis d’heure en heure. En ce moment, c’est à peine si j’ai la force de tenir ma plume et j’ai grand peine à garder la conscience de ce que je t’écris. Je me cramponne cependant à la vie de toute la puissance de mon amour pour ne pas te laisser trop longtemps sans moi sur la terre. Mais hélas ! La nature regimbe et ne veut pas (…)
Juliette
Elle s’éteindra en 1883 ; Victor Hugo deux ans plus tard seulement.
L’homme infidèle aura été pour Juliette le poète fidèle :
Quand deux coeurs en s’aimant ont doucement vieilli,
Oh ! quel bonheur profond, intime, recueilli !
Amour ! hymen d’en haut ! ô pur lien des âmes !
Il garde ses rayons même en perdant ses flammes.
Ces deux coeurs qu’il a pris jadis n’en font plus qu’un.
Il fait, des souvenirs de leur passé commun,
L’impossibilité de vivre l’un sans l’autre.
(Juliette, n’est-ce pas, cette vie est la nôtre !)
Il a la paix du soir avec l’éclat du jour,
Et devient l’amitié tout en restant l’amour !
Victor Hugo, Toute la lyre, VI, 64 (1ère publication en 1897)
A la fin de l’exposition, un très beau et émouvant tableau représentant Juliette Drouet au soir de sa vie (image), fait écho aux portraits de la jeune Juliette exposés au début du parcours : celui de Champmartin, représentant Juliette toute fraîche, rebondie, belle, et celui de Léon Noël qui souligne l’ovale parfait du visage, ses grands yeux noirs, ses cheveux bruns et épais, ses épaules en courbes, ses lèvres charnues.
Juliette Drouet est désormais une vieille femme, ses longs cheveux sont devenus blancs, sa peau est ridée.
Mais ses yeux noirs ont la même profondeur, expriment le même mélange de résignation, de calme, de pugnacité et d’ardeur.
Comme si son amour fidèle avait conservé son énigmatique beauté, imprimé en elle une présence passionnée à la vie, gardé intacte, visible alors dans la seule expression du regard, une éternelle jeunesse.
Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée,
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée :
Le monde a sa pensée, moi, j’avais son amour !
Victor Hugo. Dernière Gerbe LXIX
Épitaphe de Juliette Drouet
Juliette Drouet. Mon âme à ton cœur s’est donnée … Victor Hugo
Maison de Victor Hugo
Hôtel de Rohan-Guéménée
6, place des Vosges
Paris – 4ème
Tél. : 01 42 72 10 16
Jusqu’au 18 mars 2007
Tlj de 10 h à 18 h sauf lundi et jours fériés
Entrée : 7 € (TR : 5,5 € et 3,5 €)
Catalogue de l’exposition : 34 €