Elle connaît l’expérience de modèle très tôt, lorsque, adolescente, son père photographe amateur la fait poser nue. Très vite, elle devient mannequin vedette pour Vogue, dont elle fait la couverture en 1927. Les premières photos de cette exposition, qui en compte plus de cent quarante témoignent de la plastique parfaite de Lee Miller, bouche charnue, grands yeux rêveurs en amande, cheveux épais coiffés courts à la mode des années 1920, corps mince et souple magnifiant tous les vêtements. Elle fait craquer les plus grands, comme Steichen, Hors Hoyningen-Huene et surtout Man Ray, qu’elle conquit aussitôt installée à Paris en 1929. Si elle devient sa muse et sa compagne, c’est avec lui qu’elle s’initie à la technique de la photo dès cette époque. On dirait d’ailleurs qu’elle ne doit qu’à elle-même son plus beau portrait, avec cet Autoportrait en serre-tête (publié en 1933), d’une beauté classique et d’une douceur dignes des grands peintres italiens.
Mais son travail n’a pourtant rien de classique : si, lorsqu’elle monte son propre studio à New-York en 1932, ses clients sont les publicitaires et les grandes maisons de cosmétiques, si elle réalise des portraits pour le théâtre et le cinéma (magnifique Charlie Chaplin !), Lee Miller est très influencée par les expériences des surréalistes, notamment par le procédé de la solarisation. Surtout, elle adopte un regard qui lui fait préférer les points de vue les plus inattendus, les angles les plus étranges. Un esprit libre et original qui se lit tout particulièrement dans ses photographies d’Egypte, où la belle a vécu dans les années 1930, un moment l’épouse d’un riche Cairote : point d’image d’Epinal dans ce reportage d’un monde pauvre et déserté, mais l’esthétique d’une grande artiste qui a fréquenté l’avant-garde parisienne, Cocteau (elle a joué pour lui dans Le sang d’un poète), Dora Maar, Max Ernst, Picasso… Une modernité qui crève les clichés.
Rentrée d’Egypte en 1939 pour s’installer à Londres avec le peintre et photographe Roland Penrose, qu’elle épousera en 1947, Lee Miller reste une femme de son temps. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, elle obtient son accréditation de l’US Army et réalise des reportages en tant que correspondante de guerre en Normandie, à Saint-Malo, à Paris, en Alsace, mais aussi dans l’appartement de Hitler et les camps de concentration de Buchenwald et de Dachau. Des images qui créeront le choc dans l’édition américaine de Vogue en juin 1945.
Sur les exemplaires de la célèbre revue visibles au Jeu de Paume, l’on voit que Lee Miller signait également ses articles, d’une plume brillante, avec une sens du phrasé et de la formule séduisants (voir aussi les titres de certaines de ses photos, notamment celles prises en Egypte).
Pour finir l’exposition, un film documentaire confirme à quel point Lee Miller a su allier une vie de femme bien remplie à une carrière d’artiste accomplie, menant les deux avec un même désir d’indépendance.
L’Art de Lee Miller
Jusqu’au 4 janvier 2009
Galerie nationale du Jeu de Paume
1, place de la Concorde – Paris 1er
Du mer. au ven. de 12 h à 19h, mar. jusqu’a 21 h
Sam. et dim. de 10 h à 19 h
Fermeture le 25 décembre et le 1er janvier
Fermeture exceptionnelle à 18 h les 24 et 31 décembre
Entrée 7 € (Tarif réduit 4 €)
Image : Autoportrait, 1932, Lee Miller © Lee Miller Archives, England 2008. All rights reserved. www.leemiller.co.uk