Walter Mitty est chef du département photo du magazine Life. En réalité, il n’a sous ses ordres qu’un homologue dévoué, avec qui il passe ses journées terré dans l’obscurité du labo photo…
Seize ans de « boutique » et autant de discrétion : Walter Mitty est un homme effacé, pour ne pas dire timoré, qui a pour habitude de se réfugier dans des rêves éveillés dont il est le héros d’exploits les plus audacieux.
Bien qu’excellent dans son métier, son avenir professionnel est plus que menacé : le célèbre magazine américain est à la veille de passer au tout numérique et la photographie argentique n’a plus de raison d’être. D’autant que son comportement quelque peu lunaire n’a rien pour attirer la mansuétude du « chargé de transition » de la boîte, qui s’apprête à licencier à tour de bras.
Dans ce triste tableau, deux éléments vont se télescoper pour jouer le rôle de dynamiteur : la disparition du négatif destiné à la couverture du dernier numéro papier de Life – qui plus est envoyé par le photo-reporter adulé Sean O’Connell – et l’apparition d’une charmante collègue du service comptabilité dans le paysage des cœurs à prendre.
Il n’est donc, de tout évidence, plus du tout l’heure de rêvasser, mais de retrouver cet aventurier de O’Connell : pour sauver la dernière « couv », Walter sort enfin de sa coquille et part au Groenland, en Islande, en Afghanistan, où il vit toute la palette des situations de l’extrême, dans les airs avec un pilote saoul au dernier degré, dans les eaux glacées avec les requins, et même sur les lacets d’une route montagneuse, en skate sur le bitume…
Le dernier film de Ben Stiller a un charme fou. D’abord parce que c’est une comédie réellement drôle, ce qui est aussi rare qu’apprécié ; ensuite parce que c’est très bien joué (Ben Stiller, très bien servi par lui-même) ; enfin parce que les aspects les plus faibles sont
contrebalancés par d’autres très réussis. Le côté un peu simpliste du scénario est complètement effacé par le côté poignant de cette histoire issue d’une nouvelle américaine de James Thurber : notamment le cynisme de « l’adaptation économique » et le néant
dans lequel tombent les compétences et le savoir-faire d’hommes et de femmes dont les métiers disparaissent. S’y ajoute l’attitude décalée et toujours poétique du héros, que ce soit quand il rêve sa vie ou quand il se met à vivre sa vie rêvée.
Et par la grâce de cet esprit fantaisiste (les aventures sont totalement abracadabrantesques) et plein de naïveté, on accepte sans broncher que les plans sur les grands et beaux espaces naturels soient filmés de façon si publicitaire.
C’est que le film déborde de tendresse et d’humanité, jusque dans la scène où Walter rencontre enfin Sean O’Connell, joué par Sean Penn soi-même : il ne se passe pas ce à quoi on s’attend, mais quelque chose d’assez enfantin, pris entre un prosaïsme décevant et un lyrisme échevelé. Et ce quelque chose-là, presque maladroit, est terriblement joli.
La vie rêvée de Walter Mitty
Une comédie dramatique de Ben Stiller
Avec Ben Stiller, Kristen Wiig, Shirley MacLaine, Adam Scott, Sean Penn…
Durée 1 h 54
Sorti en salles le 1er janvier 2014
Photo : Ben Stiller, Sean Penn © Twentieth Century Fox