Mais qu’est-ce que « L’Affabuloscope » ? … C’est dans les Pyrénées que Andreossi l’a déniché. Il nous raconte sa visite : cela ne ressemble à rien d’autre. A découvrir absolument !
Mag
Claudius de Cap Blanc possède tout un monde, situé dans un grand hangar sur plusieurs niveaux, qu’il a baptisé Affabuloscope, dans ce village du Mas d’Azil en Ariège qui a donné son nom à une culture préhistorique vieille de plus de 10 000 ans, l’azilien. Bien heureusement, il nous offre la possibilité d’accéder à son univers, dont il garde des traces matérielles et littéraires grâce auxquelles notre imaginaire et notre réflexion s’excitent davantage que devant la technologie d’aujourd’hui tellement prosaïque.
Très habile artisan du bois Claudius crée des machines aussi indispensables que « le redresseur de torts », « l’auto-aliénateur » ou « la machine à creuser les déficits ». Mais on appréciera aussi les machines, évidemment bien plus complexes, qui visent par exemple à éradiquer les trois plus grands fléaux du monde (hypocrisie, cynisme et TVA), à produire le silence, ou encore à sisypher. Les vélos et motocyclettes en bois, avec leur jeu de couleur des diverses essences, sont des merveilles.
L’artiste aime les séries, et il consacre des salles entières à exposer des variations d’objets sur un même thème : la série des « sèches-larmes » nous propose divers moyens techniques aussi astucieux les uns que les autres pour tenter d’assécher les larmes1. Les « judas portatifs », qui permettent d’épier son prochain de manière discrète, sont exposés en de si nombreux modèles que chacun pourra trouver celui qui lui convient. Un parcours instructif nous montre les diverses étapes de l’histoire des « amidonnoirs », machines à amidonner, comme leur nom l’indique, de façon à « garantir une érection sans faille ». Une fascinante salle est entièrement consacrée à 388 pièces originales qui sont autant de manière de montrer « l’emboîtement l’un dans l’autre » dans une élégante « cosmogonie duale ».
Chaque objet est accompagné d’un commentaire, et l’écriture prend une grande place dans l’œuvre, ainsi qu’on peut le constater par l’énorme ouvrage manuscrit, consultable, qui conte en particulier maintes péripéties liées au travail de l’artiste : par exemple ses démêlées avec les autorités locales suite aux inscriptions de « pierres vulvaires », car il perpétue les traces préhistoriques du pays, bien sûr à sa manière d’ « enfant de la Matrie ». Pour Claudius de Cap Blanc l’Affabulatoire est une des modalités de l’être se faisant : « ce qui n’est pas, n’a jamais été, mais qui aurait pu être et qu’on peut amener à l’existence par un acte de création positivement délibéré ».
Il se place dans la continuité aussi bien de Marcel Duchamp, que de René Char, ou Claude Lévi-Strauss : comme ce dernier il met en valeur les cultures mal connues. L’Affabuloscope nous fait découvrir celle des Pankous, une ethnie découverte par Jean-Baptiste Pauchard. Claudius présente dans des vitrines, comme dans les musées, des objets en bois, en os, en cuivre, finement travaillés, objets qui auraient pu être utilisés par les Pankous, mais que l’artiste a inventés : mais ne dit-on pas que le fouilleur qui trouve un trésor archéologique en est l’inventeur ? Tout cela nous amène à penser que les limites entre science et imaginaire sont bien ténues, et pour cela rendons grâces à Claudius de Cap Blanc et à son Affabuloscope.
Andreossi
L’Affabuloscope, zéro rue de l’Usine, 09350 Le Mas d’Azil
1 On trouvera à la rubrique « Histoire de larmes » de son site www.affabuloscope.fr plusieurs vidéos de démonstrations de ces précieux outils par l’artiste. Mais le site présente aussi bien d’autres richesses.