La dernière représentation de la saison au Théâtre du Rond-Point a été jouée dimanche 12 mars, mais le spectacle part ensuite en tournée en province, avant de revenir à Paris au Théâtre Monfort.
Il s’agit d’une pièce remarquable, quoique d’un dispositif assez réduit : deux comédiens (elle, Judith Henry, toujours excellente de fraîcheur, lui, Nicolas Bouchaud, fort différent mais très bon aussi) tantôt rejouent des interviews historiques célèbres, tantôt restituent des interviews qu’ils ont obtenues de personnalités dont le métier est l’interview.
Le choix des textes est excellent et les deux comédiens enchaînent les séquences avec une agilité et un naturel déconcertants.
C’est ainsi qu’on voit et écoute Marguerite Duras in fine clouer le bec à Bernard Pivot après avoir été malmenée sur son alcoolisme (« Mais alors vous êtes prête au pire …? » – « Ben oui, la preuve : je suis là ! »). Jean Hatzfeld parler du loupé total des journalistes sur le génocide au Rwanda, qui n’ont pas su voir les rescapés – qui ne pouvaient parler. Raymond Depardon et Claudine Nougaret son épouse évoquant leur travail, notamment avec les paysans (cf la trilogie de documentaires, dont le dernier, La vie moderne) : comment savoir attendre pour obtenir une parole, mais aussi la place de Claudine Nougaret dans le monde médiatique – toujours vue comme l’épouse de, rarement citée par son nom et pour son travail en propre, dont on comprend pourtant l’importance dans les films de son mari, en tant qu’ingénieur du son qui sait faire oublier sa présence et celle du micro. Mais aussi Florence Aubenas qui elle aussi sait si bien s’intéresser aux personnes qu’elle interviewe, attendre, se taire, mettre en confiance et obtenir des mots vrais.
La mise en scène est en cohérence totale avec le projet. Par exemple, lors du long passage de R. Depardon et C. Nougaret, des grandes photos, issues notamment des Profils paysans mais aussi de La France sont placées sur le devant de la scène et les comédiens tout devant elles. Cette proximité, cette intimité, le naturel de jeu de Judith Henry (davantage que Nicolas Bouchaud, qui se fait moins « oublier » que sa compagne de scène) restituent, autant que le texte, l’esprit du célèbre couple que l’on a ici envie d’appeler « d’écouteurs ». Démonstration en est faite s’il était besoin : écouter est un rare et noble métier, et c’est ainsi qu’on aimerait pouvoir qualifier tous les interviewers.
Les 23 et 24 mai 2017 : LE QUAI CENTRE NATIONAL DRAMATIQUE / ANGERS (49)
Du 29 mai au 17 juin 2017 : LE MONFORT / PARIS