Don Giovanni à l'opéra Bastille

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La production n’est pas nouvelle. Créée au palais Garnier en 2006, la mise en scène de Mickael Haneke avait été reprise à Bastille l’année suivante. Elle y est à nouveau donnée cette saison, jusqu’au 14 février prochain.

Faut-il y aller ? Oui, même si le spectacle n’est pas sans appeler quelques réserves. Elles tiennent essentiellement à la situation de l’action choisie par le cinéaste autrichien – non pas tant l’époque contemporaine, ce qui en soi n’est pas rédhibitoire – mais dans ce décor des plus prosaïques qui soit : un immeuble de bureaux, genre tour de la Défense. Le rideau s’ouvre (et se refermera sans que la scène ait bougé d’un iota) sur un pallier, large couloir de bureaux, avec à sa droite une immense baie vitrée d’où l’on aperçoit, dans la nuit, un immeuble aux fenêtres éclairées. Décor sombre (cette mode ne dure que trop), en bleu, gris et noir. Qui a tout de même ses rondeurs, qui n’est pas fatidiquement laid (les costumes, eux, le sont, et ils sont même parfois grotesques, à l’image des masques de Mickey pour ne citer que les plus récurrents). Simplement, bêtement pourrait-on dire, on ne va pas à l’opéra pour voir cela : cette esthétique de la quotidienneté, cette réplique de l’environnement urbain qui est aujourd’hui, presque tous les jours, le nôtre. On y va en espérant un peu de dépaysement, un peu de magie, un peu de rêve que diable !

Mais finalement ce regret ne contient pas même le souffle d’un entier soupir, tant le spectacle, dans ses autres aspects (sauf les masques de Mickey précités, auquel on ajoutera le fauteuil roulant final avec le pauvre Commandeur, ou ce qu’il en reste, posé dessus) est un enchantement.

L’histoire, on la connaît bien, est à quelques variations près celle du Don Juan de Molière (notamment) : celui qui les veut toutes, qui séduit pour séduire, sans aucune espèce de distinction, de la plus ingénue à la plus chenue, de la plus noble Donna à la plus simple servante. Il promet le mariage et, aussitôt la conquête faite, abandonne le cœur conquis pour passer à la suivante. Non son dégâts autour de lui, évidemment.

Séduction ? Conquête ? Abandon ? Cette panoplie-là est merveilleusement incarnée sur scène, grâce à des chanteurs au talent de comédien indéniable et habilement dirigés. Le décevant décor est pour le coup ingénieusement utilisé. D’un bout à l’autre, du fond au devant, de bas en haut : chacun et tous s’y meuvent selon une mécanique impeccable. Cette direction non seulement donne au spectacle la vivante théâtralité qui doit être la sienne, mais aussi souligne l’implacable, l’inéluctable de l’histoire de Don Giovanni qui aussi sûrement qu’il enchaîne les conquêtes court à sa perte en provoquant le destin avec morgue.

L’humour du livret n’est pas pour autant absent, celui qui déborde de la plupart des duos entre le valet Leporello et son maître. Il faut dire que Erwin Schrott joue un Don Giovanni plus décomplexé que jamais, un summum du bellâtre sûr de soi. Dans bien des passages, il entraîne le sourire…

Reste le plus beau : la musique. Don Giovanni fait partie des « chefs d’œuvre de la maturité » de Mozart, un opéra dont la popularité depuis sa création à la fin du XVIII° n’a pas connu d’éclipse, et l’on comprend pourquoi, tant le plaisir musical est constant d’un bout à l’autre de l’œuvre. Mais aussi, les interprétations des deux Donna, Marie-Adeline Henry, soprano virtuose qui a livré en ce 23 janvier une Elvira des plus poignantes, et Tatiana Listic en Anna, soprano tout aussi magnifique, mais avec ce petit quelque chose qui donne à la voix un grain singulier et ô combien séduisant. La baguette, enfin, était confiée au jeune chef français Alain Altinoglu. Dans le style enlevé, parfaitement à son affaire.

Don Giovanni

MUSIQUE DE WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791)

LIVRET DE LORENZO DA PONTE

EN LANGUE ITALIENNE

Opéra Bastille

Alain Altinoglu : Direction musicale
Michael Haneke : Mise en scène

Erwin Schrott : Don Giovanni
Liang Li : Il Commendatore
Tatiana Lisnic : Donna Anna
Stefan Pop : Don Ottavio
Marie-Adeline Henry : Donna Elvira
Adrian Sâmpetrean : Leporello
Alexandre Duhamel : Masetto
Serena Malfi : Zerlina
Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris

Durée 3 h 40 avec entracte

Jusqu’au 14 février 2015

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La Dame du lac à l'Opéra Garnier

La dame du lac de Rossini à GarnierCréé à Naples en 1819, La Donna del lago n’avait jamais été monté à Paris.
C’est chose faite depuis lundi à l’Opéra Garnier, où l’on peut le découvrir jusqu’au 10 juillet prochain.

La Dame du lac fait partie, avec Armida notamment, des opéras dits sombres de Rossini : on est loin des airs enjoués du Barbier de Séville.

Pour autant, les amateurs du style bel-cantiste le plus pur seront comblés.
Tiré du poème de Walter Scott, le livret semble sans intérêt, avec des histoires d’amour compliquées dont la Donna se semble savoir se tirer, sur fond d’épisodes guerriers dans l’Ecosse du XVI° siècle. Peut-être le livret vaut-il mieux que cela, mais ce n’est pas la mise en scène de Lluís Pasqual qui permet d’en saisir les subtilités.
Durant le premier acte, le temps passe lentement, on découvre les voix et les décors en se laissant bercer. Au second en revanche, la dramaturgie se tend davantage, tout le monde se réveille autour de très belles envolées. D’autant que Nicolas Joël, le directeur de l’Opéra national de Paris, a convoqué un casting de choc ; on dirait que c’est exactement celui qu’il fallait pour servir cet opéra.
Dans le rôle-titre, la star américaine Joyce DiDonato (1) magnifie de sa voix de mezzo chaude et mélodieuse tous les duos et trios et envoûte le public dans le grand air final. La voix du ténor péruvien Juan Diego Florez, nuancée et veloutée enchante dans ce rôle romantique. La mezzo italienne Daniela Barcellona est quant à elle à la fois assez singulière et d’une grande efficacité dans le rôle masculin de Malcolm.
A l’image de la mise en scène, les décors et les costumes ne marqueront pas les annales. Quelle idée par exemple d’habiller le chœur de façon anachronique et qui plus est mémère ? Mais lui aussi régale le public d’une belle voix profonde. Alors, qu’importe l’étoffe, car l’émotion, elle, est bien au rendez-vous.

La Dame du Lac (La Donna del Lago)
Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini
Livret d’A. L. Tottola, d’après le poème narratif de sir Walter Scott The lady of the lake
Direction musicale Roberto Abbado
Mise en scène Lluís Pasqual
Avec Juan Diego Florez Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila Duglas d’Angus
Francesco Meli Rodrigo di Dhu
Joyce DiDonato Elena
Daniela Barcellona Malcolm Groeme
Diana Axentii Albina
Jason Bridges Serano
Palais Garnier – Place de l’opéra, Paris 1er
Durée 3 h 15 avec un entracte
Places à 7€, 10€, 21€, 40€, 70€, 116€, 172€

(1) La distribution sera différente pour les représentations de juillet.
Consulter le site de l’Opéra de Paris

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