Paula Modersohn-Becker absolument

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« Jeune fille tenant des fleurs jaunes dans un verre », 1902 – détrempe sur carton

Au tournant du XX° siècle, Paris est une ruche artistique en pleine effervescence, une source d’inspiration extraordinaire pour tout créateur qui veut sortir des modèles existants, dépasser les académismes et inventer sa propre voie.

Paula Becker (1876-1907) connaît cette libération en découvrant Paris au moment de l’Exposition universelle de 1900. Elle vient d’Allemagne, où elle a reçu une éducation artistique dans un milieu cultivé mais modeste, a fait la connaissance de son futur époux Otto Modersohn, peintre paysagiste, dans une colonie d’artistes installée à Worpswede, dans le nord du pays, sorte d’école de Barbizon allemande.

C’est bien la peinture d’avant-garde qui l’attire à Paris lors de ce premier séjour et des trois qui suivront en 1903, 1905 et 1906-1907. Il y a ici la peinture de Cézanne, du Douanier Rousseau, des Nabis, de Gauguin…

« Portrait de jeune fille, les doigts écartés devant la poitrine », vers 1905 – détrempe sur toile
« Portrait de jeune fille, les doigts écartés devant la poitrine », vers 1905 – détrempe sur toile

Mais à la visite de la superbe exposition du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, c’est un style tout à fait propre que l’on découvre. Car découverte il y a, Paula Modersohn-Becker étant largement inconnue du public français faute d’avoir été exposée jusqu’ici. Félicitons donc le MAM pour cette première rétrospective en France de cette figure majeure de la peinture moderne, mais aussi la romancière Marie Darrieussecq, complice de l’exposition et auteur d’une biographie de l’artiste (intitulée Être ici est une splendeur (1) une citation du poète Rainer Maria Rilke, ami de Paula) qui a contribué à mettre en lumière l’œuvre de cette femme peintre largement reconnue dans son pays et considérée comme le précurseur de l’expressionnisme allemand.

Morte à 31 ans quelques jours après avoir donné naissance à son unique enfant, Paula Modersohn-Becker a produit en 10 ans plus de 500 peintures. L’œuvre qu’elle laisse est étonnante de force, de singularité et de modernité. Elle fait partie de celles que le regard semble n’épuiser jamais et qui s’impriment durablement dans la rétine.

Chez PMB (c’est ainsi qu’elle signait ses tableaux), qu’il s’agisse de portraits, d’auto-portraits, de paysages ou de natures mortes, tout est simplifié. Pas d’histoire, pas de contexte, pas de décor, et une économie extrême du détail.

Ce sont des portraits et auto-portraits en gros plans où la force de l’expression et particulièrement du regard emporte tout, plongeant le spectateur dans le mystère de la pensée et des sentiments du personnage – qu’il s’agisse d’enfants de tous âges, de jeunes filles, de vieilles femmes, d’elle-même.

« Lune au-dessus d’un paysage », vers 1900 – détrempe sur carton
« Lune au-dessus d’un paysage », vers 1900 – détrempe sur carton

Ce sont des paysages simplifiés à l’extrême, où apparaît à nouveau l’importance de la couleur, comme dans ses portraits, mais aussi de la ligne. Et des natures mortes – tout aussi fascinantes – où l’on retrouve cette recherche de représentation « brute » du sujet, à travers des formes simplifiées, l’intensité des couleurs, un pinceau aux touches visibles. Et toujours une grande modernité de composition.

L’audace de Paula Modersohn-Becker est évidente aussi, au-delà de sa « manière » à proprement parler, dans le choix de certain de ses sujets : une femme enceinte nue (elle-même, alors qu’elle ne l’est pas, d’ailleurs), une femme nue endormie  avec son bébé… ! Révolutionnaire.

En 124 peintures et dessins (très intéressants également, l’artiste ayant toujours accordé une grande importance au dessin), émaillés de photographies et de documents, cette première rétrospective française est le gros coup de cœur de la saison parisienne. A découvrir absolument avant le 21 août.

(1) éditions POL 2016

Paula Modersohn-Becker : l’Intensité d’un regard 

Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

11, av. du Président Wilson – 75116 Paris

TLJ de 10 heures à 18 heures sauf lundis, jsq 22 heures le jeudi

Entrée 10 euros (TR 7 euros)

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Amedeo Modigliani. L’œil intérieur

modigliani_femme_assise_robe_bleueNotre ami Jean-Yves s’est rendu au LaM dans le Nord pour visiter la rétrospective consacrée à Modigliani… Ce qu’il en dit nous fait pâlir d’envie ! Merci Jean-Yves de partager ainsi ce magnifique moment de peinture !

Mag

Le LaM à Villeneuve d’Ascq, qui détient une collection exceptionnelle de peintures, sculptures et dessins de Modigliani propose une très belle traversée de l’œuvre de l’artiste, né en Italie en 1884 et arrivé à Paris en 1906.

modigliani_lamCette présentation est construite en trois parties, à la fois thématiques et chronologiques. La première s’attache à démontrer la diversité des sources d’inspiration de Modigliani : il est fou d’art égyptien qu’il consulte régulièrement au Louvre, mais sa sensibilité s’imprègne aussi des références khmères, cycladiques et africaines. S’essayant à la sculpture malgré un manque de formation dans cette discipline, il s’entoure des conseils de Brancusi qu’il a rencontré à Montparnasse, mais il doit abandonner cet art pour des raisons de santé et financières (il ne parvient pas à trouver de mécène). De cette époque, on admire une très belle « Tête de femme », la seule sculpture en marbre de l’artiste, mais aussi des dessins et une superbe « Cariatide » sur fond bleu, dessinée au crayon et lavis d’encre.

tete_rouge_amedeo_modiglianiLa deuxième partie met en évidence l’importance du portrait d’artiste dans sa production. Dès 1915-1916, Modigliani cherche à définir son style, immédiatement reconnaissable : figures de forme ovoïde, yeux le plus souvent sans pupilles et de hauteurs distinctes, nez aux arrêtes tranchées, cous en pur cylindre, fonds minimaux et abstraits… Côtoyant les peintres de la future Ecole de Paris (Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Pinchus Kremègne), Modigliani dresse leur portrait dans des tableaux et croque aussi (au crayon ou au graphite) Max Jacob, Pablo Picasso (qui le sous-estimait) et Jean Cocteau qui, n’aimant pas la représentation faite de lui par le peintre italien, s’en séparera rapidement. Toutes ces œuvres sont intéressantes, mais on se permettra une préférence pour la « Tête rouge » qui synthétise à la fois l’art africain, le cubisme, le fauvisme et l’art de Cézanne. L’exposition ne manque pas de rappeler que ce dernier est la référence absolue de Modigliani.

modigliani_jeune_filleLa fin de l’exposition est consacrée aux dernières années de l’artiste. Soutenu par le marchand d’art Léopold Zborowski, dont il dressera deux beaux portraits, accrochés aux murs du musée, Modigliani parvient à une peinture plus sereine. Les couleurs s’éclaircissent, la ligne des corps s’arrondit et devient plus voluptueuse, comme en témoigne le « Nu assis à la chemise », dont le dessin raffiné et la touche délicate restituent toute la fragilité de la femme. La présentation de ses nus lors d’une exposition de décembre 1917 fera scandale. Mais la préoccupation première du peintre reste le visage. Modigliani continue à représenter ses amis artistes et ses proches, mais il donne aussi une place plus importante aux anonymes. Il ne peindra des paysages (qui demeureront rares dans sa production) qu’à partir de 1918, lors d’un séjour dans le sud de la France organisé par Zborowski.

modigliani_nuL’exposition rend également hommage à Roger Dutilleul que Modigliani rencontre en 1919 et qui deviendra un collectionneur assidu du peintre (il achète et échange 35 peintures et 26 dessins) et ne cessera de défendre son œuvre bien au-delà de la mort de l’artiste en 1920. La donation par son neveu Jean Masurel de quatorze pièces de la collection est à l’origine de la création du LaM, qui a donc toute légitimité pour monter cette rétrospective, la première d’importance depuis celle organisée au Musée du Luxembourg en 2002. Au-delà de la qualité des pièces présentées, l’exposition est passionnante par son côté didactique qui permet de suivre l’évolution du parcours de l’artiste au travers de ses influences, de ses rencontres…

La visite donne aussi l’occasion de s’attarder dans les collections permanentes du musée, riches de quelques tableaux cubistes de Picasso et de Braque, d’œuvres de Fernand Léger, de Miro, de Jenkins, et de pièces représentatives de l’abstraction lyrique : Manessier, Poliakoff, Staël, Estève, Ubac…

Amedeo Modigliani. L’œil intérieur

LaM

1, allée du Musée – Villeneuve d’Ascq (59)

Jusqu’au 5 juin 2016

Jean-Yves

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Le nouveau musée du parfum Fragonard

nouveau_musee_du_parfum_fragonard_parisIl existe depuis quelques mois à Paris un nouveau musée du parfum, installé dans les anciens locaux de feu le magasin de meubles anglais Maple, à deux pas du théâtre Edouard VII et du boulevard Haussmann.

C’est Fragonard, le célèbre parfumeur de Grasse dans les Alpes-Maritimes (où sont fabriqués ses parfums et où un musée est ouvert depuis longtemps) qui en est le fondateur et, si tout est fait pour préparer le visiteur à l’acquisition de quelques uns de ses célèbres essences, savons et autres bains parfumés adorablement présentés en fin de parcours, la visite guidée (et gratuite) réserve un très agréable et instructif moment.

Devant gravures et affiches anciennes, on commence par une petite introduction sur le passé mouvementé du bâtiment, où l’on apprend qu’il fut notamment, à la fin du XIX° siècle, un théâtre de variété puis un manège vélocipédique, c’est-à-dire un endroit pour apprendre à pédaler…

nouveau_musee_fragonard_flaconsPuis, dans une douce pénombre où brillent de riches vitrines, on admire près de 300 objets anciens, remontant l’histoire de la toilette, de la fabrication et de l’usage du parfum. Ce sont des aryballes de la Grèce antique, des brûle-parfums, des vases à khôl, de précieux nécessaires de toilette, des étiquettes recherchées, d’impressionnants alambics et bien sûr une extraordinaire collection de flacons, en particuliers du XVIII° siècle (très raffinés) à nos jours.

Evidemment, parmi les plus séduisants figurent les incomparables flacons en verre dessinés par René Lalique au début du siècle dernier. Recourant aux motifs végétaux et géométriques, cet extraordinaire « designer » a été un maître en son domaine, promoteur des lignes Art Nouveau puis Art Déco et hissant de luxueux objets du quotidien et d’ornementation au rang d’œuvres d’art.

musee_fragonnard_boutiqueL’histoire de la maison ne saurait être oubliée, où il est rappelé que c’est en 1926 qu’Eugène Fuchs a donné à l’ancienne parfumerie grassoise le nom de Fragonard, en hommage au peintre Jean-Honoré Fragonard originaire de la ville.

Enfin, le visiteur a droit à une petite initiation aux fondamentaux du parfum : qu’est-ce qu’un « nez », quelles sont les différences entre les « notes » (de tête, de cœur, de fond) d’un parfum, mais aussi les grandes familles de parfums (les hespéridés, les floraux, les chyprés, les boisés, les ambrés…). Exercice à l’appui, avec, dans la boutique, un moment réservé à la découverte de quelques uns des grands succès de la maison… A vos nez, prêts, partez !

Nouveau musée du parfum Fragonard

3-5, square de l’Opéra Louis-Jouvet – Paris 9ème

TLJ de 9 h à 18 h

Entrée libre avec visite guidée

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Les robes de Marcel Proust au Palais Galliera

greffulhe_par_ottoAu tournant du siècle la comtesse Greffulhe (1860-1952) régnait sur la vie mondaine et artistique parisienne. Elle fut immortalisée par Marcel Proust à travers le personnage de la duchesse de Guermantes dans La Recherche. D’où le titre de l’exposition à voir jusqu’au 20 mars : La mode retrouvée.

Elisabeth de Riquet de Caraman-Chimay reçoit une éducation cultivée, tournée vers les arts, notamment la musique. Son mariage avec le richissime vicomte Henry Greffulhe, d’un très grand intérêt financier pour cette jeune fille de haute lignée mais sans dot, fait d’elle une épouse trompée et délaissée.

La comtesse Greffulhe consacre alors son énergie et sa position sociale à la promotion des arts, en particulier en levant des fonds pour organiser concerts et ballets : Wagner, Fauré, Isadora Duncan, les Ballets russes de Diaghilev… Elle produit, promeut, monte des festivals, dirige les Chorégies d’Orange… Sa beauté – yeux noirs, allure élancée, taille de guêpe – alliée à son esprit fascinent et son salon est le plus couru de Paris.

worth_robe_byzantineExposées pour la première fois, ses robes témoignent de cet éclat. Si la comtesse poursuivait la plus grande élégance, celle-ci ne lui suffisait pas : il lui fallait en outre l’originalité. Son oncle Robert de Montesquiou raconte : « Elle se faisait montrer, chez les couturiers en renom tout ce qui était en vogue ; puis quand elle devenait certaine que fut épuisé le nombre des élucubrations fraîchement vantées, elle levait la séance, en jetant aux faiseurs, persuadés de son édification et convaincus de leur maîtrise, cette déconcertante conclusion : “Faites-moi tout ce que vous voudrez… qui ne soit pas ça !” ».

Le parcours s’articule dans les cinq espaces du palais Galliera. Dans le salon d’honneur, une lettre de Marcel Proust ébloui par le comtesse adressée à Robert de Montesquiou accueille le visiteur, qui voit  se déployer autour de lui de spectaculaires créations signées Worth, Vitaldi Babani ou Fortuny : « cape russe », « tea-gown » coupée dans tissus de velours ciselé bleu foncé et vert d’inspiration Renaissance, « robe byzantine » en taffetas lamé bordée de zibeline portée à l’occasion du mariage de sa fille…

nina_ricci_ensemble_soir_La grande galerie présente une série de robes du soir à se pâmer. Nina Ricci, Jenny, Jeanne Lanvin… beaucoup de noir et d’ivoire ; légèreté, souplesse, drapé, tombé : tout est infiniment recherché, travaillé. Des accessoires sont à voir dans la petite galerie est : admirez la finesse des broderies ornant les gants, les pochettes à lingerie et les bas. Côté ouest, des photographies de la comtesse (notamment de Otto et Paul Nadar)  permettent de se rendre compte de son allure et de son sens de la mise en scène.

Enfin, on termine en apothéose dans la salle carrée, avec une robe du soir en velours noirs sur laquelle sont appliqués des motifs de lys, emblème de la comtesse Greffulhe depuis que Robert de Montesquiou l’avait dans un poème comparée à cette royale fleur : « beau lys d’argent aux yeux de pistils noirs… ». A la fin de sa vie, l’auteur de La Recherche courait encore après la photo la montrant dans sa divine robe.

La mode retrouvée, Les robes trésors de la comtesse Greffulhe

Palais Galliera

10, avenue Pierre 1er de Serbie – Paris 16°

Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturne le jeudi jsq 21 h

Entrée 8 euros, gratuit pour les – de 18 ans

Jusqu’au 20 mars 2016

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Delacroix et l’Antique au Musée national Eugène-Delacroix

delacroix_facade_jardinSitué à deux pas de l’adorable place Fürstenberg, caché au milieu de boutiques proposant de somptueuses étoffes, le petit Musée Eugène Delacroix est lui-même l’écrin d’un adorable jardin, aussi minuscule que charmant. C’est l’artiste qui l’a conçu lorsqu’il s’est installé à cette adresse en 1957, alors qu’il venait (enfin !) d’être élu à l’Académie des Beaux-Arts (sur ce musée, lire aussi le billet du 27 janvier 2013). Depuis le jardin, on peut admirer l’harmonieuse façade de son atelier, qu’il a également pensée : de style néo-classique, il l’a ornée de moulages de sculptures antiques.

Au dessus de chacune des deux fenêtres latérales, des métopes du Théséion, temple athénien de l’époque du Parthénon (V° siècle av. J.-C.)  représentent des exploits du héros Thésée, vainqueur du Minotaure. Un moulage de la cuve du Sarcophage des Muses, chef d’oeuvre de l’Empire Romain (II° siècle), surplombe, lui, la porte centrale.

delacroix_douze_medaillesCette façade a sans doute constitué le point de départ de cette exposition, au sujet inédit : la mise en lumière des rapports de Delacroix, artiste romantique, avec l’Antiquité. Installé dans l’appartement et l’atelier de l’artiste, le parcours montre d’une part comment Eugène Delacroix a « connu » l’Antiquité et, d’autre part, les créations que celle-ci lui a inspiré.

Son approche de l’Antique s’inscrit à la fois dans son époque (en particulier avec l’exposition des marbres du Parthénon à Paris et à Londres, où il s’est rendu, et qui n’ont pu, comme ses contemporains, que le frapper) et dans un cheminement personnel. Il n’est allé ni en Grèce ni en Italie, mais s’est familiarisé avec les chefs d’œuvres de l’Antiquité grâce à la fréquentation des musées, celle des livres, des dessins, photos et reproductions disponibles. Cette connaissance muséale et livresque s’est enrichie d’une connaissance plus imaginaire : lors de son voyage au Maroc, il s’est plu à y reconnaître une Antiquité sauvage et préservée.

delacroix_bacchusDans ses œuvres, cette admiration pour l’Antique se manifeste dans le choix de ses thèmes (les fresques pour le Salon du Roi au palais Bourbon : Anacréon, Bacchus et Leda) comme dans sa manière (la représentation de nus sculpturaux). Un autre type de création mérite ici d’être découvert : ses dessins et lithographies de médailles grecques et romaines, qu’il assemble dans un travail de composition très convaincant. Tout aussi réussie est la représentation des médailles elles-mêmes, tant dans l’expression des figures que dans le modelé des corps et la vivacité des mouvements. « Imiter sans être imitateur » était, paraît-il, l’un de ses leitmotiv. L’instructive et plaisante visite de cette exposition montre qu’il a su parfaitement y être fidèle.

 

Delacroix et l’Antique

Musée national Eugène Delacroix
6, rue de Fürstenberg ‐ 75006 Paris

Métro : Saint‐Germain‐des‐Prés (ligne 4) / Mabillon (ligne 10)
Bus : 39, 63, 70, 86,95, 96
Renseignements : 01 44 41 86 50

Entrée : 7 euros (entrée libre pour les Amis du Louvre)

Jusqu’au 7 mars 2016

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La hauteur des éléphants

Richard Texier, L'esprit du temps
Richard Texier, L’esprit du temps

Et si en ce début d’année on prenait un peu de recul en allant voir du côté des éléphants ? Voici deux idées pour cheminer tranquillement avec eux. Elles ne vous tromperont pas.

Première idée éléphantesque :

Découvrir l’exposition Daum, Variations d’artistes à l’Espace Dalí à Paris. Initialement prévue jusqu’au 3 janvier, elle a été prolongée jusqu’au 14 février. Vous tomberez nez-à-nez avec, entre autres joyeusetés en verre poli multicolore de la maison Daum, un éléphant haut sur pattes qui porte une obélisque sur son dos signé Salvador Dalí et un autre en bronze juché sur une coquille de verre signé Richard Texier, qui a pour nom L’esprit du temps. A méditer.

Deuxième idée éléphantesque :

les_racines_du_cielLire ou relire Les racines du ciel de Romain Gary, prix Goncourt 1956, ainsi qu’Andreossi nous l’a conseillé. Un roman visionnaire sur les questions – et leur complexité, car les différents points de vue sont montrés, comme on va le voir dans l’extrait ci-dessous – qui allaient occuper les décennies suivantes et nous (pré)occupent encore aujourd’hui, en particulier l’écologie et le sort de l’Afrique, avec bien sûr, en fond, celle, éternelle, du rôle des idéologies de tous poils… Extrait. C’est Waïtari qui pense, ancien parlementaire français qui aspire aujourd’hui au développement économique et à l’indépendance politique de ce territoire africain qui est le sien :

« Il pensa à Morel et sourit amèrement. Pour l’homme blanc, l’éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l’ivoire et pour l’homme noir, il était uniquement de la viande (…). L’idée de la « beauté » de l’éléphant, de la « noblesse » de l’éléphant, c’était une notion d’homme rassasié, de l’homme des restaurants, des deux repas par jour et des musées d’art abstrait – une vue de l’esprit élitiste qui se réfugie, devant les réalités sociales hideuses auxquelles elle est incapable de faire face, dans les nuages élevés de la beauté, et s’enivre des notions crépusculaires et vagues du « beau », du « noble », du « fraternel » simplement parce que l’attitude purement poétique est la seule que l’histoire lui permette d’adopter. Les intellectuels bourgeois exigeaient de leur société décadente qu’elle s’encombrât des éléphants pour la seule raison qu’ils espéraient ainsi échapper eux-mêmes à la destruction. (…) Il était beaucoup plus commode de faire des éléphants un symbole de liberté et de dignité humaine que de traduire ces idées politiquement en leur donnant un contenu réel. Oui, c’était vraiment commode : au nom du progrès, on réclamait l’interdiction de la chasse aux éléphants et on les admirait ensuite tendrement à l’horizon, la conscience tranquille d’avoir ainsi rendu à chaque homme sa dignité. On fuyait l’action mais on se réfugiait dans le geste. »

 

Exposition Daum, Variations d’Artistes

Espace Dali

11 rue Poulbot – 75018 Paris

Ouvert TLJ de 10h à 18h, nocturne les mercredis 20 janvier et 10 février

Atelier pour les enfants le samedi 23 janvier à 14 h

Visites guidées le mer. 20 janvier à 18h et le sam. 6 février à 15 h

Jusqu’au 14 février 2016

 

Et roman Les racines du ciel de Romain Gary, en Folio Gallimard

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Le nouveau Musée Rodin à Paris

Le nouveau parcours dans l'hôtel Biron restauré
Le nouveau parcours dans l’hôtel Biron restauré

Après plus de trois ans de travaux, qui l’ont consolidé et embelli de fond en comble sous la direction de Richard Duplat, architecte en chef des Monuments historiques, l’hôtel Biron, qui abrite le Musée Rodin à Paris (1) depuis 1919 a rouvert ses portes le 12 novembre dernier. C’est une grande réussite, dans le sens où tout a été pensé pour mettre en valeur les œuvres, mais aussi pour permettre au visiteur de mieux comprendre le travail de l’artiste.

L’hôtel particulier du XVIII° siècle, où Auguste Rodin (1840-1917) prit ses quartiers à partir de 1908 et jusqu’à sa mort, a été magnifiquement restauré. Il en avait grand besoin ; ses planchers ployaient sous le poids des bronzes et des marbres, mais aussi des quelques 700 000 visiteurs (dont 80 % de touristes étrangers) qui s’y précipitent chaque année.

Edvard Munch (1863 -1944), Le Penseur de Rodin dans le parc du docteur Linde à Lübeck, vers 1907, Huile sur toile, H. 22 cm ; L. 78 cm
Edvard Munch (1863 -1944), Le Penseur de Rodin dans le parc du docteur Linde à Lübeck, vers 1907, Huile sur toile, H. 22 cm ; L. 78 cm

Les parquets « Versailles » qui le pouvaient ont été remis en état, les autres remplacés. Les plafonds et moulures ont subi le même sort. Mais le plus spectaculaire – si l’on peut dire, car on réalité on l’oublie très vite, tant elle sied à l’ensemble – est la réfection des murs. Le blanc a cédé la place à des taupes, gris et verts assourdis qui permettent de faire ressortir tant le blanc des marbres et des plâtres que les reflets des bronzes. Le mobilier aussi se fait discret : des socles en chêne, des vitrines sans arrêtes visibles et même, le plus souvent, pas de vitrine du tout. On circule autour des sculptures à loisir, à la lumière naturelle grâce aux grandes fenêtres qui donnent sur le parc. Un éclairage artificiel high tech à l’intensité et à la température variables sur mesure, grâce à des spots réglables individuellement et à distance selon l’heure et la saison, donne à chaque œuvre des conditions de visibilité optimales. Enfin, la sécurité et l’accessibilité (accès à l’étage par ascenseur pour les personnes à mobilité réduite) ont été mises aux normes d’aujourd’hui. Le tout pour une enveloppe de 16 millions d’euros, dont la moitié provient de l’Etat et le reste financé sur fonds propres, notamment grâce aux ventes de tirages de bronzes, dans la limite du nombre de fontes prévues par le sculpteur.

Auguste Rodin (1840 -1917), La Danaïde, 1889, marbre, H. 36 cm ; L. 71 cm ; P. 53 cm
Auguste Rodin (1840 -1917), La Danaïde, 1889, marbre, H. 36 cm ; L. 71 cm ; P. 53 cm

Les 1 200 m² d’espaces d’exposition déploient désormais un parcours continu articulé en 18 salles présentant près de 600 œuvres. (2) La progression est à la fois chronologique et thématique. La visite commence donc avec la formation de l’artiste pour s’achever, de façon plus inattendue, avec des peintures modernes, en particulier Le Penseur de Rodin de Munch, l’un des deux seuls tableaux du peintre norvégien conservés à Paris (l’autre est au Musée d’Orsay). Il faut dire que pour mieux présenter le processus créatif du sculpteur, Catherine Chevillot, la directrice du Musée, a fait le choix de montrer également des œuvres de la collection personnelle de Rodin. Elles traduisent ses sources de réflexion et d’inspiration, ses goûts, ses amitiés. Du reste, il les exposait dans ce même hôtel Biron, à côté de ses propres créations. Ainsi on admire, entourant les sculptures du maître, aussi bien des tableaux de choix (de Van Gogh, Monet, Carrière…) et des fragments d’Antiques romains que des antiquités orientales ou même une Vierge à l’Enfant du Moyen-Age. Une galerie expose aussi, par roulement, des dessins de l’artiste (une passion du sculpteur dont on a déjà parlé ici, mais aussi ) et des photographies. Enfin, comme auparavant, la grande Camille Claudel bénéficie d’une salle dédiée, avec en son centre L’Age mûr, mais aussi Les Causeuses, La Vague..

S’agissant des sculptures de l’auguste Rodin, les plus remarquables sont bien sûr réunies, de L’Age d’Arain à L’Homme qui marche, en passant par son Saint Jean-Baptiste, La Danaïde, La Porte de l’Enfer (dont Le Baiser en marbre au centre de la pièce), les études pour Les Bourgeois de Calais, Balzac, le Monument à Victor Hugo… Impossible de citer tous ces chefs d’œuvres, désormais plus beaux et passionnants que jamais, grâce à un travail de mise en valeur tout en intelligence et délicatesse.

Musée Rodin

77 rue de Varenne, 75007 Paris – Tél. 01 44 18 61 10

TLJ sauf le lundi, de 10h à 17h45, nocturne le mercredi jsq 20h45

Le musée Rodin est fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.
Fermeture anticipée les 24 et 31 décembre à 16h45

Entrée 10 €

 

(1) L’autre Musée Rodin est située à Meudon (Hauts-de-Seine), également atelier et lieu d’exposition du vivant du sculpteur.

(2) Pour mémoire, le fonds du musée compte plus de 30 000 pièces, dont 6 775 sculptures, presque autant d’Antiques collectionnés par l’artiste, 9 000 dessins et estampes, 11 000 photographies…

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Fragonard amoureux. Galant et libertin. Musée du Luxembourg

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Le Colin-Maillard, vers 1754-1756, Huile sur toile - 117 x 91 cm,, Toledo, Toledo Museum of Art, don Edward Drummond Libbey
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Le Colin-Maillard, vers 1754-1756, Huile sur toile – 117 x 91 cm,, Toledo, Toledo Museum of Art, don Edward Drummond Libbey

On avait beaucoup aimé, il y a huit ans, l’exposition que le Musée Jacquemart-André avait consacrée à Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Les plaisirs d’un siècle. Cette saison, le Musée du Luxembourg rend à son tour hommage au peintre originaire de Grasse (seul rapport avec la maison de parfums du même nom, si ce n’est que son fondateur l’a appelée ainsi en hommage au peintre), en adoptant uniquement le prisme de l’amour.

Bien que Fragonard ait abordé tous les genres picturaux, cet angle d’approche permet d’aborder assez largement son œuvre. Il est vrai qu’il s’est plu à illustrer l’amour sous de multiples facettes, de la veine galante et pastorale héritée de Boucher jusqu’à l’amour dit moralisé de la fin du siècle, en passant par la peinture d’histoire mais aussi l’illustration libertine.

L’exposition tente de décortiquer cette évolution au fil de quelques 80 peintures, dessins, gravures et livres illustrés articulés en 11 sections. Le propos, certes instructif, est un peu décevant, s’alourdissant parfois sur l’aspect licencieux de son œuvre, l’interprétant à d’autres moments de façon un brin péremptoire.

Qu’importe au fond, le plaisir de revoir des œuvres de ce peintre incomparable, auquel s’ajoute celui d’en découvrir de nouvelles, demeure intact.

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Le Verrou, vers 1777-1778, Huile sur toile - 74 x 94 cm Paris, musée du Louvre, Photo : RMN-GP/Stéphane Maréchalle
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Le Verrou, vers 1777-1778, Huile sur toile – 74 x 94 cm
Paris, musée du Louvre, Photo : RMN-GP/Stéphane Maréchalle

L’apport de Fragonard semble déjà contenu dans l’une des premières œuvres du parcours Le Colin-Maillard, tableau placé après Les charmes de la vie champêtre de Boucher, dont il fut l’élève. Encore jeune peintre, Fragonard affirme nettement son style, caractérisé par une palette claire et pimpante (il usera aussi des couleurs chaudes, mais toujours lumineuses), un pinceau vif et enlevé, une apparente légèreté dans le traitement du sujet pour mieux laisser place à l’ambiguïté. C’est d’ailleurs pourquoi une lecture morale de ses œuvres semble toujours délicate à imposer. Que faut-il voir avec cette jeune fille jouant avec ses chiots (La jeune fille aux petits chiens), ou cette jeune femme découvrant une lettre galante (Le Billet doux ou La Lettre d’amour) ? Les Curieuses sont certes bien plus explicites (probablement dissimulées dans une maison de plaisirs), mais Le Verrou, quoi qu’on en dise, garde sa part de mystère.

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Diane et Endymion, vers 1755-56, Huile sur toile - 94,9 x 136,8 cm, Washington, National Gallery of Art, Photo : Washington, National Gallery of Art
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Diane et Endymion, vers 1755-56, Huile sur toile – 94,9 x 136,8 cm, Washington, National Gallery of Art, Photo : Washington, National Gallery of Art

Outre sa virtuosité et cette délicieuse touche à la manière d’esquisse, ce qui frappe chez Fragonard c’est sa fantaisie et son humour. L’illustration des Contes de La Fontaine en est un exemple, comme elle est révélatrice également de ses talents de dessinateur (voir aussi les planches de l‘Orlando furioso de l’Arioste). La liberté du peintre est tout aussi savoureuse ; elle se retrouve dans ses tableaux mythologiques (Diane et Endymion), mais aussi religieux (une Adoration des Bergers, peu conventionnelle et très belle, a l’air de se demander ce qu’elle fait ici). Preuve que Fragonard sait aussi se montrer bien tendre, confortée par un adorable Pâtre jouant de la flûte, bergère l’écoutant ou encore une émouvante Leçon de musique.

La touche annonce l’impressionnisme, mais les thèmes célèbrent le XVIII° (L’Ile d’amour, sorte d’hommage aux fêtes galantes de Watteau) et ne plongeront guère au-delà : Fragonard s’arrête en effet de peindre au début des années 1790, laissant à d’autres le soin d’explorer la veine néo-classique.

 

Fragonard amoureux. Galant et libertin

Musée du Luxembourg

19, rue de Vaugirard, 75006 Paris

TLJ de 10 h à 19 h, nocturnes les lundis et vendredis jusqu’à 21h30

Les 24 et 31 décembre et le 1er janvier de 10h à 18h (fermeture le 25 décembre)

Entrée : 12 €

Jusqu’au 24 janvier 2016

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Élisabeth Louise Vigée Le Brun enfin exposée

Elisabeth Vigée Le Brun, Autoportrait au chapeau de paille
Elisabeth Vigée Le Brun, Autoportrait au chapeau de paille

Les amateurs de belle peinture ne passeront pas à côté de la première exposition monographique jamais consacrée à Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842), à voir au Grand Palais à Paris jusqu’au 11 janvier 2016.

Comptant parmi les plus grands portraitistes de son temps, elle fut aussi la seule femme que notre époque a gardé en mémoire.
Elle avait du talent à revendre, a beaucoup travaillé (elle a peint quelques 670 tableaux), a su s’entourer, faire connaître son art… Elle a dû aussi beaucoup voyager. C’est peut-être ce qui explique qu’aujourd’hui ses tableau sont un peu partout, en Europe bien sûr, mais aussi de l’autre côté de l’Atlantique, dans des collections publiques et privées, comme en témoignent les origines des près de 130 œuvres, pour l’essentiel des peintures, mais aussi quelques admirables pastels, fusains et sanguines réunis sur deux niveaux des galeries du Grand Palais.
Une vaste exposition, donc, bien faite, qui conduit le visiteur à découvrir l’ensemble de l’œuvre de la portraitiste, de manière chronologique et thématique, et se faisant, suivre sans vie dans son contexte historique. Car le destin d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun est pour grande partie lié à l’évolution du régime en France.
Fille d’un pastelliste reconnu, le premier à reconnaître ses dons, à l’instruire et à l’encourager dans son art, Élisabeth Vigée doit dès l’âge de 12 ans lorsqu’elle perd son père poursuivre son apprentissage en se tournant vers d’autres proches, les ateliers et les tableaux de maître. Mais son talent de portraitiste lui vaut rapidement le succès, qui reçoit son couronnement lorsqu’elle devient peintre officiel de la reine Marie-Antoinette en 1778.
Elisabeth Vigée Le Brun, La Paix ramenant l'Abondance
Elisabeth Vigée Le Brun, La Paix ramenant l’Abondance

Particulièrement habile dans cet « art du portrait à la Française », elle sait à la fois respecter une certaine ressemblance tout en amendant « la nature » de ce qu’il faut pour que modèle soit flatteusement représenté. Courtisane, petite bourgeoise ayant accédé aux plus hautes strates de la société grâce à son art, ses connaissances et celles de son époux Le Brun, marchand d’art, ses ambitions n’en sont pas pour autant artistiques. Elle aime surprendre (elle enfreint les conventions en représentant la Reine en robe de « de gaulle », c’est-à-dire en simple robe d’intérieur de coton blanc). Elle aspire aussi à dépasser les limites du portrait pour accéder à la peinture d’histoire, noble entre toutes, qui n’était guère accessible aux femmes peintres. Pourtant, c’est avec une belle allégorie (La paix ramenant l’abondance, Louvre) qu’elle est admise, en 1783, à l’Académie royale de peinture et de sculpture.

Elisabeth Vigée Le Brun, La Reine et ses enfants
Elisabeth Vigée Le Brun, La Reine et ses enfants

En 1787, alors que la popularité de la Reine est en berne, elle est chargée de réaliser un grand tableau la montrant entourée de ses enfants. Il faut dire que l’année précédente elle avait livré un très émouvant autoportrait avec sa fille, dans une composition rappelant les vierges à l’enfant de Raphaël – un des nombreux tableaux où, dans la veine rousseauiste de l’époque, Élisabeth Vigée Le Brun a parfaitement su saisir la fraîcheur de l’enfance et la tendresse du lien maternel. Mais l’impressionnant tableau La Reine et ses enfants ne convainc pas à l’époque : pas assez d’amour maternel sur le visage d’une reine encore entachée par l’affaire du collier. En 1789, Vigée Le Brun, artiste de cour, se trouve en mauvaise posture. Début octobre, elle fuit Paris pour rejoindre l’Italie. Pour quelques mois pense-t-elle. Mais les événements sont ceux qu’ils sont et, d’Italie, elle se rend à Vienne, puis de Vienne à Saint-Pétersbourg… son exil durera plus de douze ans. Partout cependant, elle parvient à se faire une clientèle dans les cercles choisis et à vivre de son art jusqu’à son retour en France. Sous l’Empire, elle continuera à peindre les portraits de l’aristocratie européenne et, au soir de sa vie, couchera sur le papier d’épais Souvenirs.

La visite de l’exposition est un éblouissement. Transparence et éclat des carnations, fraîcheur des chairs, expression des regards, soin apporté au traitement des étoffes, splendeur des couleurs, élégance, sensualité, tendresse… face à chaque portrait c’est une personne que l’on voit, malgré l’aspect évidemment très présent de tout ce qui fait les « attributs » de la personne (et qui marque son rang dans l’échelle sociale). Et si elle réussissait merveilleusement les portraits de femmes et d’enfants, elle n’était pas moins douée pour représenter les hommes. Pour n’en citer qu’un, le superbe portrait du peintre Joseph Vernet. Enfin, ses nombreux autoportraits témoignent de la beauté de Mme Vigée Le Brun, une beauté qu’Augustin Pajou a parfaitement restituée en un magnifique buste en terre cuite (Louvre).
Élisabeth Louise Vigée Le Brun
Jusqu’au 11 janvier 2016
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L'esprit et la main et le bivouac de Napoléon à la Galerie des Gobelins

mobilier_national_esprit_et_mainVous avez jusqu’au 13 décembre pour profiter de cette double exposition proposée par le Mobilier National dans sa majestueuse Galerie des Gobelins à Paris.

Deux exposition en une, donc, mais organisées dans le même objectif de montrer l’excellence française dont le Mobilier National est un représentant.

La partie la plus inédite est L’esprit et la main qui, pour la première fois, montre au public l’envers du décor du Mobilier National : les ateliers de restauration. Au nombre de sept, ils sont la perpétuation d’un savoir-faire ancestral et indispensable au service du mobilier de l’Etat, qu’il soit multi-séculaire ou contemporain.

Ateliers de tapisserie de décor, de tapisserie d’ameublement, de menuiserie, ateliers de restauration en ébénisterie, en lustrerie-bronze, en tapisserie et enfin en sièges : l’ensemble des composantes de ce riche « patrimoine immatériel » sont ici réunies.

Le visiteur découvre dans chacun de ces sept espaces d’ateliers, à travers les matériaux, outils, œuvres exemplaires achevées et ouvrages en cours, comment travaillent ces techniciens d’art. A certaines heures, ceux-ci sont présents et l’on peut alors échanger avec eux et écouter leurs explications passionnées. Des films ponctuent le parcours et, avis aux amateurs et appel aux vocations, les formations dispensées au Mobilier National sont évoquées, puisqu’il faut penser à la transmission de cette excellence dans le travail du textile, du bois et du bronze pour préparer l’avenir et assurer la conservation et l’enrichissement des biens mobiliers de la République…

bivouac_napoleonL’autre exposition est une riche illustration des travaux du Mobilier National, puisqu’elle présente le bivouac de Napoléon, dont la restauration a été réalisée dans ses ateliers.

Comme on sait, Napoléon Ier passait beaucoup de temps en campagne et en voyage. A cet effet, il bénéficiait de toute une organisation qui reproduisait pour partie l’étiquette impériale, dont l’ingéniosité mais aussi le raffinement sont ici manifestes. Nécessaires de toilette, lampes, services de table, meubles pour travailler, pour se reposer… tout devait être aisément transportable. Entre luxe et simplicité, entre souci de représentation et nécessité de formats modestes, ces meubles et objets venaient joliment se ranger dans de précieux étuis et malles. Le clou de l’exposition est bien sûr la restitution du bivouac, c’est-à-dire du mobilier de camp sous la toile de tente à l’époque du Premier Empire. L’ensemble sous un splendide ciel étoilé… Lit pliant (le fameux « lit parapluie » inventé par le serrurier Desouches et que Napoléon adopta résolument, jusqu’à sa mort à Saint-Hélène), fauteuil, tabouret, bureau, flambeau, tapis, toile de Jouy de la tente… tout y est !

D’autres éléments complètent ce voyage dans le temps, comme de somptueuses pièces du service particulier de l’Empereur en porcelaine de Sèvres (celui-ci ne servait pas aux campagnes militaires, au cours desquelles il utilisait un simple service en argent), un nécessaire de voyage dit « porte-manteaux », une lampe portative issue de l’atelier du bronzier Tomir, dans oublier des tableaux montrant Napoléon Ier in situ…

Un bel et cohérent ensemble qui s’articule de la manière la plus harmonieuse qui soit avec l’exposition L’esprit et la main, en un parcours très élégamment scénographié sur les deux niveaux de la galerie.

L’esprit et la main, héritage et savoir-faire des ateliers du Mobilier National

Le bivouac de Napoléon, luxe et ingéniosité en campagne

Galerie des Gobelins

42, avenue des Gobelins – Paris 13°

TLJ sauf le lundi, de 10 h 18 h

Visites conférences le samedi à 14h30 et à 16h

Jusqu’au 13 décembre 2015

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