On connaissait l’excellent acteur de cinéma, on découvre un extraordinaire comédien de théâtre : Romain Duris fait sa première apparition sur les planches avec La nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, mise en scène par Patrice Chéreau, montée au Louvre à l’automne et donnée jusqu’au 20 mars au théâtre de l’Atelier.
La pièce est un long monologue, entre récit, discours de révolte et litanie. Un texte qui respire peu, oppressant, difficile. Ce qu’en fait Romain Duris est proprement époustouflant : il devient cet homme dont on ignore l’âge mais que l’on sait usé, qui vit dans la rue, qui est "un peu" étranger, qui a travaillé mais ne travaille plus, refuse l’usine et la domination, qui a connu la guerre et les sombres forêts, subi le racisme et la violence, connu la douceur et la sait dangereuse, s’est blindé petit à petit, ou plutôt a essayé, entretient l’espoir d’un monde meilleur, d’une société plus solidaire.
De l’abattement sur son lit d’hôpital où il est allongé au début de la pièce, il se trouve progressivement, très progressivement, tiré par des moments d’espoir ou de colère. L’on suit cette évolution, happé par la voix, le regard, le corps de Romain Duris. L’incarnation est totale, le travail sur le corps – où l’on retrouve bien la signature de Patrice Chéreau – très convaincant. Vers la fin, il est débout, mais baisse lentement la tête ; en un instant, après l’animation qui l’a soulevé, l’on découvre toute la tristesse de cet homme : en quelques mots, en un geste, éclate sous nos yeux son désarroi profond, et qui soudain ne semble avoir d’autre nom qu’humiliation. Stupéfiant, et bouleversant.
La nuit juste avant les forêts
De Bernard-Marie Koltès
Avec Romain Duris, mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang
Jusqu’au 20 mars
Du mercredi au samedi à 19 heures
Durée 1 h 20
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin – Paris 18°
Places de 15 € à 30 €
© Pascal Victor