Rodin, le laboratoire de la création. Musée Rodin

E. Druet, le Baiser vers 1898 épreuve gélatino argentique. ph373
E. Druet, le Baiser vers 1898 épreuve gélatino argentique. ph373

En attendant la fin de la rénovation de l’Hôtel Biron et la nouvelle muséographie prévue pour l’automne 2015, le Musée Rodin à Paris propose jusqu’au mois de septembre une passionnante exposition très justement intitulée « Le laboratoire de la création ».

Il s’agit de plonger dans l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) pour approcher son œuvre d’un œil différent : découvrir les sculptures en train de se faire. Pour construire ce parcours, le musée a sorti de ses réserves quelques 150 plâtres et terres cuites et, plus inattendu, y a ajouté de nombreuses photos montrant l’artiste et surtout ses créations au cœur de son atelier ou telles qu’elles furent exposées à l’époque. Ces photographies rendent le propos particulièrement vivant, quand les œuvres plastiques soulignent toute la dynamique du processus de sculpture.

De L’Age d’Airain qui l’a fait connaître en 1877 à la Muse Whistler, en passant par les grandes commandes publiques que furent La Porte de l’Enfer (avec Ugolin, Le Penseur…) et les monuments aux Bourgeois de Calais, à Victor Hugo et à Balzac, le public peut ainsi redécouvrir l’ensemble de la carrière d’Auguste Rodin. Il peut aussi en profiter pour aller revoir, après la visite de l’exposition, les bronzes et les marbres exposés dans le jardin, plein de charme en toutes saisons, histoire de compléter ce joli tour d’horizon.

Charles Bodmer, tête de St Jean-Baptiste sur une sellette vers 1886
Charles Bodmer, tête de St Jean-Baptiste sur une sellette vers 1886

Outre la splendeur et la force de vie incroyables que dégagent les sculptures de Rodin, qu’elles soient d’ailleurs achevées ou en cours de modelage, l’importance et la qualité des photographies constituent l’autre point frappant du parcours.

En fait, Rodin s’est servi de la photographie tout au long de sa carrière, au début, pour illustrer les articles de presse qu’on lui demandait, puis tout simplement pour faire connaître et diffuser l’ensemble de son œuvre. Les photographes sont divers, qu’il s’agisse d’Eugène Druet, amateur imposé par l’artiste, de professionnels comme Charles Bodmer, Freuler et Victor Pannelier, Jacques-Ernest Bulloz, ou encore de photographes de l’école pictorialiste comme Edward Steichen, qui a passé une nuit entière à photographier le Balzac de Rodin sorti de l’atelier de Meudon. Le résultat, superbe, fit dire à l’artiste, pour qui cette sculpture fut un échec : « Enfin, le public va comprendre mon œuvre ! ». Les autres photographies méritent aussi le détour. Pour n’en citer que quelques unes : La tête de Saint Jean Baptiste en plâtre par Charles Bodmer (vers 1887), Le Penseur en terre retouché à la mine de plomb par Victor Pannelier (1882), Rodin au milieu de ses œuvres dans le pavillon de l’Alma à Meudon (1902) par Eugène Druet ou encore l’Essai d’installation du monument à Victor Hugo dans les jardins du Palais Royal en 1909 : comme si on y était !

 

Rodin, le laboratoire de la création
Musée Rodin

79 rue de Varenne – Paris 7ème

Du mardi au dimanche de 10 h à 17h45, le mercredi jsq 20h45

Entrée 9 euros (TR 5 et 7 euros)

Jusqu’au 27 septembre 2015

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Mapplethorpe-Rodin. Musée Rodin

Robert Mapplethorpe, Michael Reed, 1987, used by permission of the Robert Mapplethorpe Foundation /// Auguste Rodin, L’Homme qui marche, bronze, 1907 © musée Rodin, ph. C. Baraja
Robert Mapplethorpe, Michael Reed, 1987, used by permission of the Robert Mapplethorpe Foundation /// Auguste Rodin, L’Homme qui marche, bronze, 1907 © musée Rodin, ph. C. Baraja

A priori, le parallèle peut paraître un peu artificiel. D’un côté, Robert Mapplethorpe (1946-1989), photographe new-yorkais connu pour ses clichés ultra léchés et sophistiqués ; d’un autre, Auguste Rodin (1840-1917), le maître français dont les sculptures ont souvent l’air d’être inachevées, comme en cours de création.

Mais la démonstration – un peu appuyée il est vrai – est plutôt convaincante. Le dénominateur commun aux deux artistes est évidemment le corps. Chez l’un comme chez l’autre il est massif, tout en muscles. Les corps photographiés par Mapplethorpe peuvent d’emblée être qualifiés de sculpturaux. Les pleins et les déliés sont d’une netteté redoutable, les plastiques amoureusement caressées. Autant de caractéristiques qui font ressortir la sensualité des corps et sautent aux yeux quand on rapproche ses photographies en noir et blanc des superbes sculptures de Rodin. Mais si chez Mapplethorpe la sensualité se dégage de corps figés, lisses et appréhendés presque comme des objets, chez Rodin elle résulte tout au contraire de corps en mouvement. La chair de ses sculptures palpite de vie, quand on ne peut s’empêcher de déceler chez le photographe américain une forme de morbidité.

L’exposition multiplie les rapprochements à travers différents thèmes : le noir et le blanc, le goût du détail, le drapé, le mouvement et la tension… Un des plus intéressants est celui qui examine « la matière » chez le photographe, que ce soit celle d’un corps nu presque minéral, d’autres recouverts d’argile séchée et craquelée, ou encore une miche de pain rompue dont la dureté de la croûte s’oppose au moelleux de la mie. Autant de clichés très tactiles qui évoquent la matérialité des sculptures de Rodin, avec leurs irrégularités et leurs contrastes fondés sur la fragilité d’une chair tendue et tonifiée, parfois comme durcie par le mouvement et la torsion.

Pour compléter cette belle exposition et mieux connaître le travail de Robert Mapplethorpe, on pourra également se rendre au Grand Palais, toujours à Paris, où est organisée au même moment et jusqu’au 14 juillet 2014 une rétrospective de l’œuvre du photographe à la réputation toujours sulfureuse.

Musée Rodin

79, rue de Varenne – 75007 Paris

TLJ sauf le lundi, de 10 h à 17 h 45, nocturne le mercredi jusqu’à 20 h 45

Jusqu’au 21 septembre 2014
Certaines œuvres exposées sont susceptibles de heurter la sensibilité des visiteurs, particulièrement du jeune public.
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