Quelle découverte merveilleuse ! Carl Larsson (1853-1919), grand peintre suédois, fait pour la première fois l’objet d’une rétrospective en France. Elle est présentée au Petit Palais à Paris, « en contre-point de l’exposition Paris 1900 » ainsi que le souligne le musée.
Mais attention, si cette dernière exposition, qui rencontre un grand succès est visible jusqu’au 17 août, en revanche celle dédiée à Carl Larsson s’achève dès le 7 juin.
Cent vingt œuvres sont réunies, en majorité des aquarelles, mais aussi des peintures à l’huile, des dessins préparatoires et quelques eaux-fortes. Tout enchante. Carl Larsson, qui fit ses débuts dans la peinture d’histoire et dans l’illustration de presse, manifestant d’emblée un don pour le dessin évident, s’installa en France dès 1877 et pour une bonne dizaine d’années, espérant s’y faire connaître. Il passa quelques temps avec l’école de Barbizon et fréquenta la colonie d’artistes anglo-saxons et scandinaves établie à Grez-sur-Loing près de Fontainebleau. Mais ses espoirs furent déçus : ce n’est pas en France qu’il connut le succès.
L’exposition s’ouvre avec ces tableaux, peintures à l’huile et surtout aquarelles, exécutés France. Ce sont des scènes d’extérieur montrant des paysans et des potagers, peints d’une main douce et vaporeuse, avec des teintes printanières claires et gaies, que les touches blanches d’une coiffe ou d’un tablier font joliment twister.
Déjà, on remarque le regard respectueux, presque aimant, de ce peintre d’extraction très modeste à l’égard des travailleurs. On admire aussi dès le début le sens de la composition et le cadrage moderne de l’artiste suédois – cadrage qui deviendra de plus en plus audacieux avec le temps. Le superbe Le peintre en plein air réalisé en Suède en témoigne. La perspective de cette scène de neige est construite en douce diagonale, qui permet de montrer le peintre entouré des siens sur le côté, tout près du spectateur, et en même temps la profondeur du paysage si simple et si beau qu’il s’apprête à peindre. Ce que l’on découvre enfin dès ces premières oeuvres est la façon dont Carl Larsson donne vie à tout ce qu’il représente. Il est en cela un illustrateur extraordinaire. Avec lui, on n’est jamais dans la théorie ou la poésie. Les personnages, personnes pour la plupart mais aussi animaux domestiques, sont vibrants de vie. Leurs regards parlent – il n’a pas son pareil pour restituer la naïveté ou l’espièglerie dans les yeux d’un enfant -, leurs corps expriment l’abandon du repos ou l’attention soutenue de l’activité qui les anime. Les portraits, tels l’impressionnant dessin au fusain d’August Strindberg, son vieil ami devenu ennemi, ou celui, ô combien touchant de son menuisier, sont ceux de personnalités qu’il nous semble pouvoir connaître.
La suite de l’exposition confirme ces talents, magnifiquement épanouis dans le genre qui lui valu un très grand succès dans son pays et en Allemagne : la peinture d’intérieur. Sur ses aquarelles d’une grande finesse s’étale le bonheur familial du peintre à l’enfance malheureuse, entouré de son épouse, de leurs enfants, de leurs domestiques, sans oublier ni le chien ni le chat. Un film de cette vie-là montré vers la fin du parcours confirme l’ambiance gaie et apaisante des scènes représentées par Carl Larsson. Mièvre ? Pas du tout ! D’abord parce que comme on l’a dit, tout cela regorge de vie, mais aussi parce que les intérieurs – à savoir la maison de campagne de la famille – sont très surprenants. Ce sont des meubles aux couleurs vives (orange, vert, bleu), des murs aux décors plein de fantaisie (et néanmoins très harmonieux), des tissus clairs et modernes, des plantes souples et des fleurs du jardin en veux-tu en voilà… bref, tout sauf les atmosphères bourgeoises confinées voire étouffantes de l’époque.
Il faut dire que Mme Karin Larsson – peintre elle-même avant son mariage – était également dotée d’un grand sens artistique. Elle tissait ses propres tissus, dessinait des meubles (son support à plantes n’est-il pas extra ?), composait de splendides bouquets. Tout cela fait le cadre frais et chaleureux d’une vie domestique calme et joyeuse, si brillamment exécutée que l’on se demande pourquoi la France a boudé – ou tout au moins ignoré – l’œuvre de Carl Larsson si longtemps.
Carl Larsson, L’imagier de la Suède
Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
Tous les jours sauf lundi et jours fériés, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu’à 20h
Entrée : 8€ / 6€ / 4€ (gratuit jusqu’à 13 ans)
Jusqu’au 7 juin 2014