Plus que deux semaines pour découvrir l’exposition consacrée à Yutaka Takanashi, photographe né à Tokyo en 1935 et l’un des plus importants du XXème siècle japonais.
Pour cette première en France réunissant plus de quatre-vingt clichés, la Fondation Henri Cartier-Bresson présente des séries majeures de l’artiste.
Au premier étage, Toshi-e (Vers la ville) est composée de photos en noir et blanc de formats assez réduits, datées de 1965 au début des années 1970 : comme prises sur le vif (Takanashi en a pris beaucoup en roulant en voiture), elles se caractérisent par leur cadrage audacieux, leurs contrastes forts et parfois leur flouté. En cela, elles sont bien représentatives du mouvement de la photographie japonaise à cette époque, et dont Yutaka Takanashi fut l’un des précurseurs. Fondateur après les contestations de 1968 (contre la guerre du Viêt Nam notamment) de la revue Provoke, il fit évoluer avec quelques autres la photographie documentaire loin de ses canons classiques en lui imprimant une marque plus brute et plus spontanée. Si Provoke s’est dissoute dès 1970 après la publication de son 3° numéro, le travail de Takanashi sur la ville et ses environs fut rassemblé dans Toshi-e, un très beau livre publié en 1974 et qui fera date.
L’on y perçoit tout un environnement en mutation, ville et abords, engagé dans une modernisation qui parfois semble laisser l’homme livré à lui-même. D’autres fois, le photographe s’attarde sur des détails que l’on dirait insignifiants, pour en souligner la poésie.
Les séries Machi (La ville) et Golden-gai Bars exposées au deuxième étage sont peut-être plus émouvantes encore, bien qu’elles ne montrent que des lieux. Mais c’est peut-être aussi le contraste entre les deux parties de l’exposition qui contribue à cette émotion. Il s’agit ici de photos en couleurs de plus grands formats, prises au milieu des années 1970 et au début des années 1980 dans des quartiers populaires et traditionnels de Tokyo : boutiques, bars, échoppes d’artisans.
La définition des images est d’une netteté somptueuse (elles sont prises à la chambre et non plus au Leica) et leur teinte ambrée participe de cette beauté. Nous sommes cette fois face à ce qui est resté, dans une certaine fixité du temps qui colore ce travail d’une dimension nostalgique. L’on pense soudain à la manière dont Raymond Depardon a photographié la France il y a quelques années, montrant parfois des lieux qui paraissaient inchangés depuis les années 1950, alors que la série Toshie-e faisait elle plutôt penser aux Américains de Robert Frank.
Yutaka Tkanashi
Fondation Henri Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis, Paris 14e (M° Gaîté)
Du mar. au dim. de 13 h à 18 h 30, le sam. de 11 h à 18 h 45, nocturne le mer.
Entrée de 6 € et 4 €
Jusqu’au 29 juillet
Catalogue, 92 pages, Editions Toluca, 38 €.
Images : Gare de Tokyo, quartier de Chiyoda, 1965, crédits YUTAKA TAKANASHI/Galerie Priska Pasquer, Cologne
Et Yutaka Takanashi / Courtesy Alexis Fabry (Toluca Editions), Paris