Il Divo, c’est aussi Belzébuth, le Renard, le Sphinx, la Salamandre, le Bossu, l’Eternité… dites simplement Giulio Andreotti et vous rassemblez sur ce nom cinquante ans de la vie politique italienne d’après-guerre.
Sept fois président du Conseil, des dizaines de fois ministre, Giulio Andreotti domina sur la Démocratie Chrétienne (DC) jusqu’à l’effondrement du parti en 1993, sous les coups des enquêtes judiciaires.
Mais, malgré les nombreuses poursuites engagées contre lui, il ne fut jamais condamné. Comment se débrouilla-t-il pour rester à l’air libre en dépit des sales affaires auxquels on le dit mêlé ? Mystère.
Ce mystère-là, le superbe film de Paolo Sorrentino ne l’éclaircit pas. Il donne cependant l’idée que c’est précisément en cultivant le secret qu’Andreotti a su se préserver des retours de bâtons, dont tout donne à croire que, par ses funestes manigances, il les aurait bien mérités.
Opportuniste, il a entretenu des liens subtils avec le Vatican, les banques, la Mafia sicilienne, la loge P2… sans compter l’affaire Aldo Moro, président de la DC, enlevé et assassiné par les Brigades Rouges en 1978, sans que son parti n’ait accepté d’en négocier le salut. De toutes ces affaires, le film, en rien didactique, ne dévoile pas les zones sombres. Au contraire, il les évoque très vite, faisant défiler les noms et les images comme dans un gigantesque "clip". On s’y perd un peu si l’on n’est pas familier de l’histoire politique italienne, mais cela n’a aucune importance, la clarté du propos d’ensemble se s’en trouve pas affectée.
Paulo Sorrentino concentre toute son attention sur son personnage, magistralement interprété par Toni Servillo (qui jouait dans Gomorra). Il en souligne le cynisme, l’écrasante présence, la puissance de frappe du verbe, la solitude extrême qui fait de lui un inconnu auprès de sa femme même, mais aussi le charisme vénéneux malgré la laideur, les épouvantables migraines et les tractations chuchotées.
Le cinéaste nous fait passer des ors des Palais au clair-obscur du studiolo, des éclats de la Chambre et des soirées mondaines au silence des archives auxquelles Andreotti se réservait seul l’accès.
Si ce portrait à charge de cet acteur incontournable de la vie politique italienne captive autant qu’il fait froid dans le dos, Paolo Sorrentino, nous offre aussi, avec ses plans plein de fantaisie qu’il enchaîne tous azimuts sur fond de bande-son rocky, une liberté de ton et de manière qui fait du Divo un très grand moment de cinéma.
Il Divo
Un film de Paolo Sorrentino
Avec Toni Servillo, Anna Banaiuto, Giulio Bosetti
Durée 1 h 40